Grand soir du discours corporate ou lendemains qui déchantent ?
Parer l’urgence de la crise, réaffirmer sa sollicitude vis-à-vis de ses publics, et après ? Après, nous y sommes : s’engage désormais l’acte III de la communication de crise, pour toutes les entreprises. Celui des enseignements.
Alors, vague verte ou vague à l’âme, raison d’être or not raison d’être, tout changer ou ne surtout rien changer : quel discours Corporate après la crise ?
Pour comprendre l’incidence de cette crise sur le discours Corporate, il faut d’abord regarder du côté de la demande sociale. Quatre grandes thématiques prédominent désormais dans les attentes de l’opinion : une demande accrue de solidarité et de soins, la préoccupation écologique grandissante, une consommation responsable et de la sobriété dans les dépenses et les modes de vie. C’est ce que nous apprend notamment l’analyse « Coronavirus, confinement : révolution des comportements ou révélation de tendances déjà émergentes ? » réalisée par l’institut Harris Interactive.
C’est donc sur tout ou partie de ces thématiques que les entreprises ont un rôle sociétal à jouer. Et c’est déjà le cas. Voici donc MAIF, qui place la solidarité et l’attention sincère dans son ADN, qui choisit, au cœur de la pandémie, de reverser les 100 millions d’euros d’économies liées à la baisse des accidents automobiles à ses sociétaires en leur offrant la possibilité d’en faire bénéficier des associations. Ou encore Danone, dont la raison d’être est d’apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre, qui devient entreprise à mission, rendant ainsi son action opposable et mesurable.
Pour les entreprises, ces évolutions sont possibles, à condition de rester cohérentes. Nulle révolution dans ces aspirations de société ; mais une intensification de demandes préexistantes à la crise. La crise n’est donc pas l’occasion d’une révolution du discours Corporate, mais d’une résolution nouvelle dans les prises de parole.
Au-delà des thématiques, l’exigence participative vient renégocier les conditions mêmes de l’élaboration de la parole d’entreprise. La mise en place d’un processus structuré de coélaboration engageant l’ensemble des parties prenantes sera essentielle pour espérer parvenir à un discours renouvelé. Faire entendre sa voix demandera, plus que jamais, de prendre en compte toutes les voix : celles de ses directions générales et métiers, salarié·es, client·es, actionnaires.
La dernière inflexion porte sur les postures énonciatives. Le confinement et la distanciation sociale ont fragilisé les liens entre les individus. La parole de l’entreprise a vocation à pallier par les mots ces liens qui font tant défaut. C’est ce que le linguiste Jakobson appelle la fonction phatique du langage : les mots servent à entretenir le contact entre individus. « Prenez soin de vous », « Merci d’être là », « Ravi de vous revoir », « revenez comme vous êtes » : autant d’énoncés à vocation prioritairement phatique et qu’on retrouve dans nombre de prises de parole d’entreprises. Et qui semblent s’être installés pour longtemps, aussi longtemps que les mesures sanitaires.
Thématiques prédominantes, postures énonciatives, vocation à entretenir le lien social. De l’entreprise référendaire à l’entreprise sachante, tout reste possible. Mais chaque structure devra définir clairement sa stratégie énonciative. Et s’y tenir avec constance.
Par Emilia Capitaine, Cheffe de projets, agence Mots-Clés
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