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Harcèlement et violences sexistes et sexuelles : comprendre pour mieux agir

MONDE DU TRAVAIL

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19/11/2020

Harcèlement moral, violences sexistes ou pratiques managériales dysfonctionnelles : les résurgences du mouvement #metoopub et les révélations sur le compte @balancetonagency, attestent de défaillances organisationnelles, dont le secteur de la communication n’est pas exempt.

Dans ce contexte troublé, sensibiliser aux problématiques de harcèlement moral et sexuel et de violences sexuelles et sexistes est encore plus prégnant. A ce titre, COM-ENT, en partenariat avec l’institut Women Safe & Children, organisait, le 13 novembre dernier, un atelier encadré par Axelle Cormier, coordinatrice de l’équipe juridique de Women Safe & Children, et Frédérique Martz, directrice exécutive de Women Safe & Children. Retour sur les principaux enseignements. 

Qualifier ces agissements et les définir dans le cadre juridique

Selon l’OMS, une femme sur trois est ou sera confrontée à des violences physiques ou sexuelles au cours de sa vie. Des chiffres très certainement en deçà de la réalité, les enquêtes portant en effet sur des violences très ciblées. Ils ne reflètent, de plus, que les agissements ayant fait l’objet d’une main courante ou d’un recours au pénal. Avec 25 % d’actes déplacés sur le lieu de travail ou d’étude*, les milieux professionnels et étudiants ne sont pas épargnés. Faire face à ce problème de santé publique, dont l’impact sur l’espérance de vie en bonne santé des victimes est avéré, c’est avant tout savoir l’identifier. 

Comment définit-on le harcèlement et les violences sexuelles ou sexistes ? Le harcèlement n’est pas un simple conflit interpersonnel : il se caractérise par une volonté (consciente ou inconsciente) de domination et d’intimidation. La répétition d’une discrimination dans la durée est également distinctif du harcèlement, même s’il peut être le fait d’un acte unique, relevant, le cas échéant, d’une pression grave et sans équivoque. La difficulté porte alors sur l’apport de preuves, car l’agissement survient souvent à huis clos. L’environnement hostile, fréquemment constaté, autour de l’acte va appuyer la version du.de la plaignant.e. Le contexte est important dans la qualification des faits. De manière générique, l’absence de respect du consentement de l’autre est un indicateur de harcèlement, d’agissements ou de violences sexistes ou sexuelles. Dès lors qu’il y a passage à l’acte, les faits ne relèvent plus du harcèlement mais d’une agression. 

D’un point de vue juridique, le code pénal définit dans l’article 222-33, le harcèlement comme “le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante.” Le code du travail stipule qu’ “aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel”. 

Concernant les agissements sexistes, on en distingue trois formes : le sexisme bienveillant, difficilement identifiable et en lien avec le concept de complémentarité des genres ; le sexisme hostile, marqué par un comportement explicitement négatif ; et enfin, le sexisme ordinaire, ou “l’ensemble des attitudes, propos et comportements fondés sur des stéréotypes de sexe, et qui, bien qu’en apparence anodins, ont pour objet ou pour effet, de façon consciente ou inconsciente, d’inférioriser les femmes de façon insidieuse voire bienveillante**.

Des actes punis par la loi
 

L’ensemble de ces actes sont répréhensibles et condamnés par la loi, aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public, et ce, quel que soit le statut de la personne (collaborateur.rice, stagiaire, alternant.e, partenaire professionnel.le…). Le harcèlement, moral ou sexuel, fait l’objet d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, auxquels s’ajoutent d’éventuels dommages et intérêts. Les victimes ont la possibilité de mener de front procédure au pénal et enquête interne. Si ces démarches sont indépendantes, il est difficile pour l’employeur de sanctionner des faits classés sans suite au pénal, le doute profitant, pour la justice, aux mis.es en cause. 

Il est important de ne pas minimiser les violences qui surviennent dans la sphère professionnelle. Le harcèlement moral ou sexuel et les agissements sexistes en font partie mais elles peuvent aller jusqu’aux violences volontaires, à l’agression sexuelle ou au viol. Rappelons que, comme mentionné dans le Code du travail, l’employeur est tenu par la loi d’adopter les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salarié.es. Il s’agit d’une obligation de résultats et non de moyens. 

Les conséquences et les mécanismes de la violence

S’il n’est pas possible de dresser un profil type des agresseur.ses, on peut toutefois distinguer des traits caractéristiques et des mécanismes communs. A commencer par le cycle de violences, qui commence par l’installation d’un climat de tension, qui engendre parfois des mécanismes compensatoires (surinvestissement au travail de la part de la victime qui perd confiance en elle). Cette phase débouche sur la période de crise à proprement parler, avec passage à l’acte (violences psychologiques ou physiques). Il fait naître, chez la victime, un sentiment d’humiliation. La troisième phase, dite de justification, se caractérise par la dé-responsabilisation de l’auteur.rice des faits (déni) et la responsabilisation de la victime (culpabilisation). Enfin, la quatrième phase, de “lune de miel”, correspond à la repentance de l’agresseur.se et au pardon de la victime, qui pense que cet épisode sera le dernier. Hors, en l’absence d’intervention extérieure, il est difficile pour la victime de sortir de ce schéma. 

Autres faits saillants dans ces agissements : la stratégie, consciente ou non, mise en place par l’agresseur.se, et les réactions constatées chez les victimes. Chez les premier.es, on observe la manipulation de la victime et de son entourage, l’alternance de phases d’accalmie et de violence, du chantage (affectif ou économique), ou encore des phénomènes de gaslighting (faire passer une victime pour folle). Les victimes, quant à elles, vont avoir tendance, entre autres, à s’isoler, se renfermer, à éprouver de la culpabilité, à adhérer à la réalité de leur agresseur.se ou à se sur-adapter au contexte. 

Qu’elles soient d’ordre psychologique ou physique, les conséquences sur la victime sont nombreuses : développement de maladies, dépression, troubles du sommeil ou de l’appétit… Elles sont aussi sociales (isolement) et professionnelles (baisse de la qualité du travail, retards répétés, arrêts maladie…). Ce sont autant d’indicateurs pouvant aider à identifier les victimes. 

Identifier les situations à risques et réagir
 

Comment réagir et repérer une victime ? Une partie de la réponse réside dans l’attention portée aux signes physiques, psychologiques et professionnels évoqués précédemment. En tant que manager ou collaborateur.rice, il ne faut pas hésiter, non plus, à poser la question aux concerné.es. Qu’il accepte de témoigner, oriente ou accompagne la victime dans ses démarches, le témoin joue un rôle essentiel : il permet à la victime de sortir de l’isolement, de valoriser sa parole, et de rappeler l’interdiction de harcèlement.

En entreprise, des recours et des dispositifs, parfois méconnus, existent : on pourra interpeller le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ou encore le référent harcèlement en entreprise, dont le champ d’action a été défini en 2018 par la loi AVENIR. Enfin, il est bon de rappeler l’obligation d’affichage, sur le lieu d’exercice, des informations relatives à la médecine et à l’inspection du travail, entre autres, ainsi que du règlement anti harcèlement. Et enfin, que toute campagne de prévention et de sensibilisation à destination de l’interne doit s’accompagner d’une attitude adaptée, c’est-à-dire irréprochable. 

Vous êtes victime ou témoin de harcèlement moral ou sexiste ? COM-ENT a mis en place une ligne d’écoute dédiée
Vous souhaitez en savoir plus sur l’action de Women Safe & Children ? Consultez le site de l’institut. 

* Source : Observatoire National de la Délinquance et de la Répression Pénale
** Source : Guide pour comprendre et agir contre les violences sexistes et sexuelles au travail.

Par Géraldine Piriou, cheffe de projets contenus, COM-ENT

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