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Sophie Palès, Déléguée générale de l’Afci : “Le management de proximité n’a jamais aussi bien porté son nom”

MONDE DU TRAVAIL

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02/04/2020

Ils et elles sont en première ligne depuis plusieurs semaines. Situé.es à un poste charnière pour maintenir le lien au sein des équipes et accompagner les managers, les communicants et communicantes internes sont, en effet, particulièrement impliqué.es dans la gestion de la crise actuelle. Comment font-ils face et vivent-ils la situation ? Sophie Palès, Déléguée générale de l Afci*, répond à nos questions. 

COM-ENT : Quels sont les principaux enjeux des communicant.es internes en cette période de crise ? 

Sophie Palès : Ils sont variables d une entreprise à l autre et sont fonction de leur préparation à une situation de crise et de leur niveau de pratique du télétravail. La nature de l activité est un autre facteur déterminant : se prête-t-elle au travail à distance ? Il est plus facile de faire basculer les collaborateurs et collaboratrices en télétravail quand il s agit de fonctions support que lorsqu elles sont liées à la production ou à de l opérationnel de terrain. Pour les structures connaissant une continuité de leur activité car elles font partie des secteurs clés du moment (grande distribution, agroalimentaire, secteurs de la banque et de l assurance), elles doivent gérer des équipes qui peuvent être exposées à la fois à la diffusion du virus mais aussi à l angoisse du grand public. 

Par ailleurs, le stade de développement des outils de travail à distance, dans l entreprise, importe également. D une structure à l autre, on constate une grande hétérogénéité, pour les communicant.es internes, en la matière : certaines entités disposent de connexions VPN et d infrastructures de réseaux solides, d autres les ont déployées dans la précipitation. 

On distingue 3 étapes dans la gestion, par les communicant.es internes, de cette crise : une phase d explication de la situation et de l impact du confinement, une autre liée à l accompagnement spécifique des managers, notamment car les circonstances actuelles imposent de gérer simultanément télétravail et impératifs familiaux. D où la nécessité d épauler les managers dans l acceptation de ce contexte nouveau pour toutes et tous. La dernière étape sera celle du retour à une activité normale . 

Quelles sont les solutions mises en place par les entreprises et comment sont-elles accueillies par les équipes ? 

Les solutions varient au fil des étapes. Lors de la phase explicative, la problématique du maintien de l activité et du travail à distance a été largement balayée. Pour ce faire, les entreprises ont massivement adopté des dispositifs de type FAQ, avec des questions centrées sur les politiques de ressources humaines, la mise en place de l activité partielle, des conseils pratiques d organisation de la journée en télétravail, dans les conditions particulières que j évoquais précédemment. Simultanément, les dirigeants se sont adressé aux équipes pour les informer des mesures qui allaient être mises en œuvre. À ce titre, la radio fonctionne très bien. Les entreprises qui en avaient déjà une l ont exploitée, ou ont développé des podcasts :  la voix est le véhicule d un discours direct et authentique ; elle apporte aussi une intimité et une proximité très appréciées des salarié.es en situation de crise. Enfin, bien sûr, la rédaction de newsletters dédiées et de guides pour faciliter le télétravail. 

La phase purement informationnelle est en train de s achever, on bascule désormais dans celle de maintien de la relation, du lien social, malgré la distance. Pour cela, les espaces collaboratifs fonctionnent plutôt bien, lorsqu ils existent et qu ils ont déjà été initiés : ce n est pas en période de crise qu il faut les déployer. Évidemment, les solutions digitales sont privilégiées. 

Est-ce évident de maintenir la cohésion d'une équipe avec des solutions dématérialisées ? 

Tout ce qui permet de ritualiser la journée et la semaine est d une grande aide. Pendant cette deuxième phase relationnelle , on aura largement recours à des dispositifs qui visent à maintenir le sentiment d appartenance à l équipe, et le lien entre pairs : on va chercher à reconstituer les communautés que l on peut trouver au sein des entreprises. Le café du matin est une pratique assez répandue, qui a plusieurs vertus : c est le moment où l on signale qu on se connecte et où l on prend des nouvelles des un.es et des autres, ce qui peut apaiser certaines angoisses. Il offre un cadre de travail tout en reproduisant, toutes proportions gardées, le caractère informel de la vie d équipe.  

D autres implémentent des chaînes de soutien : chacun.e se met d accord sur un nombre de personnes à appeler pour un échange téléphonique, même assez court. Ce sont des initiatives encouragées et appréciées, qui ne sont pas vécues comme un effort par les collaborateurs et les managers. Certaines entreprises ont opté pour l ouverture d un numéro vert avec une prise en charge des appelant.es par des psychologues. Un dispositif visant à accompagner les appréhensions liées tant à la situation sanitaire qu à l isolement dû au télétravail.

Accompagner les équipes passe par le maintien d une relation par téléphone ou en visioconférence, grâce aux outils de type Teams et Zoom, et cela, au-delà des questions purement professionnelles. Il y a, au sein des équipes, un énorme besoin d échanges et de partage émotionnel. Offrir un espace de discussion aux collaborateur.rices et entre managers est déjà quelque chose de très utile. Cela va leur donner l opportunité de partager leurs doutes, leurs questionnements. Ces espaces et ces outils le permettront d autant mieux que la qualité relationnelle préexiste : elle va être un rempart très qualitatif pour amortir le choc.

À quelles difficultés sont confronté.es les communicant.es internes pour mener à bien leur mission ?

Toutes les structures ont mis en place des cellules de crise, dans lesquelles la communication interne est idéalement présente, ou à défaut : l agenda de ces communicant.es, comme celui de l entreprise, est bouleversé. La gestion de cette crise prend du temps. À titre individuel, les communicant.es internes sont en tension entre les calls nécessaires au traitement de la crise et le temps alloué aux missions de fond ou à plus long terme, dont la période de mise en œuvre est incertaine. Quand pourrons-nous revenir à une situation « normale » ? De plus, ils.elles sont à la fois des salarié.es comme les autres qui vivent la situation de plein fouet avec des conditions de travail dégradées, et il leur revient d informer leurs collaborateur.rices et d accompagner les managers dans leurs opérations de communication auprès des équipes. 

Autre difficulté dans la conduite des actions de communication interne : l éventuelle faiblesse des infrastructures personnelles permettant la diffusion des messages. Ou encore, la nécessité de faire maison , quand, potentiellement, on aurait fait appel à un prestataire extérieur : notamment pour la réalisation de capsules vidéos relatives à la prise de parole des dirigeants. Les communicant.es internes sont obligé.es de faire avec les moyens du bord. Mais c est déjà souvent le cas ! 

Bien communiquer en interne dans ce contexte : à quel rythme ? 

Dans un premier temps, les communications internes se font au rythme des annonces officielles, lorsqu elles vont avoir un impact sur l organisation. Maintenant que les premières semaines de confinement sont passées, il s agit de commencer à imaginer l après. Quelle communication interne ? Qu est-ce que l on retiendra de la période, aussi bien en termes de modes de travail, de modes de communication, d'enjeux, de relations, etc. ? 

Quelles problématiques nécessitent une attention particulière ? 

Maintenir le lien est une préoccupation centrale pour les communicant.es internes, de même que s assurer qu il n y ait pas de fracture sociale au sein des organisations, entre les fonctions de terrain et les fonctions support notamment. Il s agit d ailleurs d une problématique transversale à la communication interne et aux services de ressources humaines. Au même titre que les questions portant sur l équité de traitement du personnel au sein d une structure qui vont fortement influer sur la pérennité et la solidité d une culture d entreprise commune à l ensemble des salarié.es et du sentiment d appartenance. Ce sera, très certainement, un point délicat au cours des prochaines semaines et lors de la reprise.

En termes de management, de nombreuses entreprises incitent leurs salarié.es à déculpabiliser. Il y a une forte tendance à reconnaître la difficulté de mener de front le travail, un contexte de crise et les impératifs personnels, omniprésents. 

La notion de management de proximité n a jamais aussi bien porté son nom, malgré la distance physique, entre le rappel des gestes barrières, l information relative aux règles de télétravail, le suivi de l activité et le maintien du lien social. Le lien est au cœur des problématiques actuelles et c est aussi le cœur du management de proximité.

Quelles actions spécifiques sont proposées par l Afci pour accompagner les communicant.es internes ?

Nos membres sont en forte demande d entraide et de partage d expériences, un état d esprit déjà largement répandu au sein de l association. Pour y répondre, nous avons mis en place des activités sur-mesure, et notamment des ateliers en visioconférence dédiés au partage de bonnes pratiques. Si le nombre de participant.es est limité pour favoriser la qualité de l échange, des sessions sont régulièrement proposées. Ils ont aussi à leur disposition un mur de discussion dans l espace membres de notre site, sur lequel ils partagent spontanément leurs expériences. Nous organisons des webinaires de témoignages inspirants avec une quarantaine de participants et nous sommes en train d imaginer d autres formats et contenus pour continuer à répondre à leurs attentes dans cette période. Dans de tels moments, être membre d un réseau professionnel fait la différence.

Comment envisagez-vous l après-crise pour les communicant.es internes ? 

La reprise de l activité va être, à mon avis, un passage subtil à négocier. Ce que j entrevois et qui reste à confirmer par l expérience, c est qu il y aura sûrement un appel d air dû à la volonté de repartir très vite dans son activité et à la réalité d un éloignement qui aura perduré plusieurs semaines. Cet appel d air se confrontera probablement à des mesures de sécurité sanitaire qui imposeront un retour progressif à la normale. Retrouver des repères communs pour travailler ensemble, tirer les apprentissages de cette période, en matière de communication interne mais aussi au niveau de toutes les fonctions de l entreprise, seront très certainement quelques-uns des grands chantiers de l après. Je crois aussi que la communication interne dans son acception la plus complète aura pris une dimension telle qu elle perdurera, et dans une forme autant relationnelle qu informationnelle. Prenons la tendance dans quelques semaines !

Propos recueillis par Géraldine Piriou, cheffe de projets contenus, COM-ENT

* Depuis plus de trente ans, l Afci (Association française de communication interne) contribue à la professionnalisation des communicants et communicantes internes. 

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