Un effet… d’annonceur ?

Lieux de créativité et d idéation, les agences de communication ne semblent plus faire rêver, voire même, elles rencontrent des difficultés pour s attirer durablement les talents. Quelles sont les raisons évoquées par les candidat.es ? La rémunération est-elle en cause ? Est-elle le seul facteur qui justifie ce probable désamour ?

La rémunération fait pencher la balance du côté des annonceurs 

Une chose est sûre, les résultats de l étude des rémunérations indiquent clairement que la dimension salariale fait pencher la balance en faveur des annonceurs. En effet, avec un écart de 11 %, tous niveaux d ancienneté et tous métiers confondus, les salarié.es semblent être mieux loti.es chez l annonceur. Alors qu en 2016, les nouveaux et nouvelles arrivant.es sur le marché du travail percevaient une rémunération sensiblement identique dans les deux types de structures, en 2019, le niveau de rémunération des communicant.es de moins de 3 ans d expérience chez l annonceur est en moyenne supérieur de presque 7 000 annuels (33 500 annuels en moyenne en agence contre environ 40 000 chez l annonceur). 

Je suis effarée de voir combien les jeunes qui viennent d agence sont souvent mal payé.es. Depuis que je suis arrivée à la Direction de la communication de Valeo, je me bats pour les salaires au sein de ma direction, pour la revalorisation et le repositionnement des fonctions de la communication. , déclare Fabienne de Brébisson, Directrice de la Communication chez Valeo. Après un an passé en agence, Judith Gasnault, ancienne étudiante au CELSA Sorbonne Université, s en va chez l annonceur. J ai adoré la variété de mes missions, le fait de voir autant d entreprises, d avoir une large palette d expertises. On apprend rapidement où sont nos forces, nos affinités, c est précieux en début de carrière. Toutefois les salaires (...) ne sont pas en adéquation avec nos études et le marché de la communication en général.  

L internalisation de certains profils, d ordinaire uniquement présents en agence et une compression des budgets annonceurs confiés aux agences rendent le quotidien des annonceurs de plus en plus complexe et pourrait expliquer, du moins en partie, cet écart des rémunérations. Il faut attendre un stade plus avancé de la carrière (plus de 12 ans d expérience) pour que les rémunérations en agence rattrapent celles chez l annonceur. Ces disparités expliqueraient-elles en partie la relative désaffection des jeunes pour les agences ?  

La rémunération n est pas la seule cause de ce désamour 

Déjà, en janvier 2018, le cabinet Elaee, spécialisé dans le recrutement de profils issus de la communication, du digital et du marketing, publiait un article sur la guerre des talents que se livrent les agences et les annonceurs. On pouvait y lire que l une des premières raisons de l attractivité des entreprises, selon les candidat.es, était précisément la rémunération. Mais ce n est pas la seule : la gestion d un projet de A à Z, faire partie intégrante d une marque, constater des résultats des actions menées, ou encore les perspectives d évolution et l équilibre vie pro/vie perso figuraient parmi les motivations des sondé.es. 

Il ne faut toutefois pas aller trop vite en conclusion. Chez Okó, nous ne faisons jamais de charrettes le soir et le week-end. Ici, la rémunération n est pas un sujet tabou, nos collaborateurs et collaboratrices sont intéressé.es aux résultats. Nous versons des primes chaque année. Une agence doit être rentable et doit partager ses succès , confie Hervé Francès, Président fondateur de l agence Okó.

Toujours est-il que la plupart des profils ayant officié en agence souhaitent passer de l autre côté du miroir , c est-à-dire chez l annonceur. Le cabinet Elaee nuance toutefois cette aspiration en expliquant, que bien souvent, la vision de ces profils agences relève largement du fantasme. Si je deviens client, c est moi qui donne les ordres ... en oubliant quelque peu qu il y a d autres contraintes comme celle d être confronté à un comité de direction pas du tout convaincu de l intérêt de la communication. , mentionne l article. 

La carrière idéale : de l agence vers l annonceur 

Mais alors, que choisir ? Toujours selon cet article, les entreprises (...) indiquent souvent dans les descriptifs de postes à recruter, qu être issu.e d agence est un plus, voire un prérequis . Les agences seraient en effet la bonne école pour développer ou affiner la capacité à traiter différents sujets, à jongler avec un grand nombre de dossiers et d interlocuteur.rices, à connaître la réalité du service à apporter au client, le tout, saupoudré d un supplément de créativité. 

Joffrey Ledemeney Bellanger, jeune communicant chez TGITS Total ne cache pas sa préférence. Au cours de mes 5 années d études en communication, j ai pu toucher à différents types de structures, de l agence à la startup, en passant par les grandes entreprises. C est donc à dessein qu à la fin de mes études, j ai principalement ciblé les annonceurs et principalement les grands groupes. . Pourquoi ? La renommée d un grand groupe apporte probablement davantage de crédibilité à mon CV, rend mon profil plus attractif. Enfin, un élément qui peut sembler futile mais qui a son importance pour nous, les jeunes : la qualité de l environnement de travail, y compris au niveau des infrastructures proposées, également propice à l épanouissement. L argument de la qualité de vie, à tout niveau, semble donc faire pencher la balance du côté de l annonceur.

Attention toutefois à la désillusion : le choix de l entreprise de destination demeure primordial. Car chez l annonceur, l employé.e se consacre à un seul sujet : l entreprise, justement, la promotion de ses services, sa réputation, les messages qu elle émet. A ces différents égards, il est essentiel pour le ou la candidat.e d orienter ses recherches vers une structure qui témoigne d un système de valeurs proche du sien. 

Par Géraldine Piriou, cheffe de projets contenus, COM-ENT

Retrouvez l intégralité des résultats de l étude des rémunérations dans la publication Emploi & rémunération dans la communication : Tout et son contraire