« Les médias et l’opinion publique sont de formidables accélérateurs de changement ! »
#DIRCOMM(DÉ)CONFINÉS #INTERVIEW10 – Guillaume Papin, directeur de la communication et des affaires publiques de la Fédération Hospitalière de France (FHF)
Guillaume Papin, 41 ans, est directeur de la communication et des affaires publiques et membre du comité de direction de la Fédération Hospitalière de France (FHF), lobby d’intérêt général qui représente près de 5 000 établissements publics et un million de professionnel.les de santé. A la tête d’une équipe de 5 personnes, cet expert de la communication publique et parapublique – épaulée par une grande agence de communication – assure la promotion du service public hospitalier et médico-social au niveau national, européen et international.
Communication institutionnelle, relations presse, lobbying, conseil stratégique des pôles, des régions et du président… Guillaume a manié tous les outils, chauds et froids, pendant la crise du Covid. Et la crise, il connaît. Il débute en 2002 au ministère des Affaires sociales et de la Santé en tant que chargé de campagnes gouvernementales avant d’être nommé responsable de la communication institutionnelle et des partenariats de la Ligue contre le Cancer en 2008. Son engagement pour les institutions publiques se poursuit lorsqu’il devient directeur de la communication et des affaires publiques du Barreau de Paris en 2016 et mène de grands projets en affaires publiques (présidentielle, partenariat JO Paris 2024…).
Epresspack : Plusieurs syndicats et collectifs hospitaliers ont appelé à une énième journée de grève et d’actions le 16 juin partout en France. Une crise chasse l’autre… Le plus dur est-il vraiment passé pour vous ?
Guillaume Papin : On sort de la phase aiguë de la crise sanitaire et il était temps, car tou.te.s les professionnel.les hospitalier.es sont totalement épuisé.es. Cependant, restons prudent.es car cette crise a cela de particulier et de complexe qu’elle nous a tous plongé.es dans une incertitude totale ! Incertitudes scientifiques et sanitaires, incertitudes sociales et sociétales et enfin incertitudes économiques qui ne font que commencer… de sorte que je ne peux pas vous dire aujourd’hui si le plus dur est derrière nous, car on affrontera forcément de nouvelles crises. La seule chose que je sais, c’est que l’hôpital public jouera un rôle dans la reprise économique. En effet, de nombreuses études montrent qu’un euro de dépense hospitalière apporte, en moyenne, deux euros dans l’économie locale grâce aux emplois et aux achats. Un tel effet multiplicateur, beaucoup d’économistes en rêveraient dans d’autres domaines ! Je crois beaucoup en l’économie du care. Pour moi, la santé n’est pas un coût, c’est un investissement.
La France semble avoir du mal à se réformer et la communication est difficile entre les personnels hospitaliers et les gouvernements successifs. Le Ségur de la santé, vous y participez ? Vous y croyez ?
Nous y participons bien sûr en notre qualité d’acteur majeur du système de santé. Nos expert.es se sont réuni.es en groupes de travail sur les sujets RH, simplification, finances.. pour faire des propositions au gouvernement. Les plus importantes d’entre elles portent sur l’attractivité des métiers et leur revalorisation. Et dans le contexte d’un véritable hospital bashing subi depuis des années, c’est le rôle de la communication de montrer que l’hôpital public est une belle institution pour laquelle nous sommes fier.es de travailler. Je dirais de façon volontairement provocante, que la crise a été – malheureusement – la meilleure des campagnes de marque employeur pour nos métiers et qu’elle va susciter des vocations. Et puis il y a la nécessité de relancer l’investissement après 15 ans de mise à l’os et le besoin urgent d’une simplification administrative. De ce point de vue, la communication a, là aussi, un grand rôle à jouer. Pour que nos propositions soient entendues et puissent peser politiquement, il faut qu’elles soient portées par les médias et l’opinion publique qui sont de formidables accélérateurs de changement ! Maintenant les défis restent grands car c’est bien le système de santé tout entier qu’il faut soigner, repenser et transformer avec des solutions globales. On ne peut plus attendre, les hôpitaux sont exsangues et il est temps d’agir. C’est ce qu’on demande au gouvernement, on se bat pour ça et on y croit.
Quel a été votre rôle pendant la crise du Covid-19 ?
La FHF défend les intérêts et valorise les actions de l’hôpital et des ephads publics, qui sont des « entreprises » complexes qui évoluent dans un contexte très sensible. Elles coordonnent jusqu’à 200 métiers, accueillent du public H24 et il n’est pas rare qu’elles affrontent canicules, attentats ou grèves. Autant dire que la communication de ce secteur est par nature crisogène. Pour le covid, on a commencé par rassurer et expliquer que l’hôpital public était préparé, c’était le plan blanc. Puis quand la crise est arrivée, on est passé à une phase d’alerte et de communication citoyenne. On a appelé à une union sacrée autour du strict respect du confinement pour permettre aux hôpitaux de soigner le plus grand nombre. Tous les matins, nous tenions une réunion de crise avec les responsables régionaux qui nous remontaient les problèmes du terrain et une note était envoyée au ministère de la santé avec des recommandations, toujours dans un esprit de co-construction et de proposition.
A-t-elle mobilisé plus de moyens de communication et lesquels ?
Nous avons surtout développé des moyens humains, au siège à Paris et sur le terrain en régions où nous étions tou.te.s mobilisé.es. Nous avons également mis l’accent sur les relations avec les médias pour mieux peser sur les décisions publiques. Mais la vraie nouveauté pour la FHF, a été sa capacité à centraliser les dons matériels et financiers qui ont afflué de la part des entreprises. Car la mobilisation citoyenne a entraîné une mobilisation des entreprises qui voulaient, elles aussi, soutenir le système de santé. Et là où il y a encore 4 mois, il était inenvisageable pour nous, fédération, d’accepter de l’argent et des contributions d’entreprises privées, on n’a pas réfléchi très longtemps devant les sollicitations. Generali a fait un don de 3 millions d’euros, Flying blue d’Air France a offert des billets d’avions aux soignant.es, la Fondation Boulanger a donné 30 000 tablettes aux résident.es des Ephads pour qu’ils.elles puissent rester en lien avec leur famille… Ils avaient les moyens, nous connaissions les besoins et le terrain. Fort.es de cette expérience, nous continuerons probablement à solliciter les entreprises demain et développer cette culture du partenariat.
Une campagne d’appels aux dons pour soutenir les hôpitaux publics, c’est nouveau en France ?
C’est effectivement nouveau à la fois pour les Français.es et pour la FHF. Pour y arriver, nous devions nous associer à une grande fondation dont c’est la mission première de récolter des fonds. Nous nous sommes rapproché de la Fondation des Hôpitaux de Paris – Hôpitaux de France présidée par Brigitte Macron, avons ainsi créé un fonds d’aide et mis en place des actions communes comme la sortie d’un clip avec Marc Lavoine, Pascal Obispo et Florent Pagny « Pour les gens du Secours », dont les droits d’auteur lui seront intégralement reversés. A ce jour, on a reversé plus de 30 millions d’euros aux établissements qui en avaient le plus besoin. Et je dois avouer que mon expérience à la Ligue contre le Cancer m’a été ici très utile.
Alerter sans paniquer, la frontière est ténue ?
C’est toute la complexité de la communication sanitaire que d’éviter soit de trop en faire soit de ne pas en faire assez, dans un timing qui est rarement maîtrisé. Il faut s’attacher à rester sur une bonne ligne de crête : éviter d’être trop alarmistes en disant que l’hôpital était totalement débordé au risque de créer un énorme mouvement de panique, et veiller à ne pas être trop rassurant non plus, au risque d’être en décalage avec la réalité du terrain qui était très dure. De ce point de vue, je trouve que le gouvernement a trouvé le ton juste. Je crois beaucoup en cette transparence choisie. Être transparent pour être transparent peut provoquer la panique, mais être transparent en choisissant le bon moment et en mettant en avant les solutions, c’est une transparence qui a du sens ; un exercice d’équilibriste que nous avons eu à jouer avec les médias en modérant et calibrant les demandes.
Des hommages publics et politiques, des applaudissements aux fenêtres, un film « Merci aux soignants » pour les réseaux sociaux et les espaces gracieux des chaînes TV, est-ce à dire que la fierté fait avancer le monde… et constitue un ressort efficace pour la communication ?
Je ne sais pas si la fierté fait avancer le monde, mais je suis convaincu que la communication, elle, a servi à renforcer la fierté des Français.es envers l’hôpital et les Ephads publics et tou.te.s les professionnel.les qui y travaillent. C’est pour ça que les Français.es se sont mis.es au balcon tous les soirs à 20 h et que les médias se sont mobilisés. De notre côté, nous avons réalisé un film où les soignant.es remercient les Français.es, à partir d’images qu’ils.elles ont filmé eux.elles-mêmes sur le vif ; un hommage qui nous paraissait évident et authentique.
L’utilité sociale des entreprises, une nouvelle mode des pros de la communication ou une donnée structurante de la communication des entreprises demain ?
Ça a toujours existé… Avant on parlait de RSE, aujourd’hui on parle d’utilité sociale des entreprises. Selon moi, ce sont les entreprises qui le font avec sincérité qui s’en sortiront gagnantes. A charge pour nous de donner un sens aux actions des entreprises qui souhaitent agir en faveur d’un système de santé performant. On le sait bien, un partenariat ne fonctionne qu’avec du sens, c’est du donnant-donnant. Si c’est juste pour donner de l’argent, ça ne fonctionne pas. Il faut que ça corresponde à la raison d’être de l’entreprise. Juste avant la crise, nous avons par exemple initié le projet d’améliorer les conditions d’accueil des enfants à l’hôpital et notamment de fournir des lits d’accompagnant.es aux hôpitaux qui n’en avaient pas les moyens. La Ligue de Football Professionnelle s’était rapprochée de nous, voulait nous soutenir sans avoir d’idée précise. Nous lui avons parlé de cette problématique et elle a été intéressée. C’est comme ça que pour chaque but marqué par la Ligue 1 en saison 2019/2020, 100 euros étaient reversés et que nous avons pu collecter près de 200 000 euros.
Le Covid-19, votre pire et votre meilleur souvenir ?
Le pire de mes souvenirs, c’est l’angoisse de la phase aigüe du mois d’avril lorsqu’on a cru a que la digue allait céder, qu’on n’arriverait pas à faire face à la maladie ni à soigner le plus grand nombre. Ça a été la phase la plus critique. A ce moment là, on dormait Covid, on se levait Covid, on vivait Covid toute la journée et les nuits étaient compliquées. Heureusement, il y a eu le courage et l’imagination des soignant.es qui ont surmonté la fatigue et trouver des solutions pour pallier le manque de matériel. Mon meilleur souvenir, c’est le moment où j’ai reçu, en l’espace d’une journée, toutes les images de témoignages prises par les personnels soignants pour les besoins du film. Quelle fierté de bosser pour cette institution ! C’était ahurissant de voir toute cette énergie se déployer. Ca a été pour moi un moment très émouvant…
Et le télétravail avec 3 jeunes enfants… ça se situe où sur cette échelle ?
Le confinement nous a obligés à mêler vie professionnelle et vie privée et c’était totalement nouveau pour moi !! Et je me suis rendu compte qu’il était parfois plus compliqué d’expliquer un exercice de math ou de grammaire que de mettre en place une stratégie de communication de crise par temps de Covid (rires). Plus sérieusement, on a beaucoup évangélisé le télétravail et c’était nécessaire à ce moment-là pour maintenir l’économie. Mais personnellement, je pense qu’il ne doit pas devenir la norme. J’en ai beaucoup souffert. Nous avons besoin d’être en contact avec les autres, se confronter et se sentir, c’est ce dont chaque personne a besoin je crois pour être dans la vraie vie. La visio c’est bien, mais le visu c’est mieux.
Et si c’était à refaire ?
Comme dans toutes les crises, beaucoup d’observateur.rices ont été dans la critique. Nous, on était dans l’action, on a agi. Alors oui, on aurait tou.te.s pu faire mieux pendant cette crise. C’est tout le sens des retours d’expérience et des commissions d’enquête qui commencent, que de voir ce qui a péché pour que nous puissions être mieux préparé.es et c’est ça l’essentiel. Il n’y a que ceux.celles qui ne font rien, qui ne font pas d’erreurs.
Après des nuits courtes et des semaines à rallonge, l’été d’après, vous le voyez comment ?
Je ne sais pas de quoi il sera fait. Ce virus semble saisonnier, mais sans certitude non plus. Une deuxième vague pendant l’été ? Une canicule ? Je reste sur le pont… comme tou.tes les directeur.rices de la communication qui soumis.es à des crises régulièrement. Mais on va rester en France pour faire vivre l’économie et le tourisme local.
Propos recueillis par Yaël Dorfner
Créée en 1924, la FHF représente la totalité des établissements publics de santé (hôpitaux) et médico- sociaux (maisons de retraite, maisons d’accueil spécialisées autonomes…) soit près de 5000 établissements et leurs personnels, 1 million de professionnel.les. Lobby d’intérêt général, la Fédération hospitalière de France (FHF) remplit une triple fonction de promotion, d’information et de représentation. La FHF défend les valeurs et les intérêts du service public hospitalier et valorise la qualité du service à travers un travail de relations avec la presse et les leaders d’opinion et d’information en direction du grand public (manifestations, lettres, newsletters, revues, guides…). C’est aussi un lieu où s’élaborent des propositions destinées à alimenter le débat législatif. La FHF est en effet un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics dans la mise en place des réformes en cours. Elle se positionne comme un partenaire constructif mais exigeant sur la défense de l’hôpital public et des établissements médico-sociaux.
Sponsorisé par Epresspack
À propos d’Epresspack
Epresspack, acteur tech du secteur de la communication a pour ambition d’offrir le meilleur de la technologie au service des marques et des entreprises et leurs relations publics. Pionnière des newsrooms digitales anti-fake news en Europe, elle héberge les plateformes digitales sur-mesure d’environ 300 marques et entreprises internationales (dont 40% appartenant au CAC 40) parmi lesquelles Accor, ADP, Audi, Bouygues, Hermès, ING, Taittinger, Vinci, Arte, Leboncoin…. et gère une audience cumulée de 3,5 M de visiteurs uniques en 2019. Epresspack rassemble 50 collaborateur.rices à Paris, Londres, Milan et Madrid.
Commentaires0
Vous n'avez pas les droits pour lire ou ajouter un commentaire.
Articles suggérés