Fabrice Conrad, Président de l’AACC Corporate : “Pour embarquer les jeunes générations, la communication doit se réinventer”
Seul.es 64 % des 18-34 ans se montrent satisfait.es de leur vie professionnelle contre 80 % en moyenne pour les autres générations. C est ce que révèle une récente enquête réalisée par Domplus et BVA, en partenariat avec La Tribune. Face à ces constats, la publication The Young Deal , éditée il y a 2 ans par l AACC Corporate, semble plus que jamais d actualité. Fabrice Conrad, Directeur Général d Havas Paris et Président de la délégation Corporate de l AACC, revient sur le concept de ce fascicule toujours dans l ère du temps et répond à nos interrogations sur le rapport des jeunes avec le monde de l entreprise.
Comment est née l idée du Young Deal et quelle est la vocation de cette publication ?
Au sein de la délégation Corporate de l AACC, notre rôle est à la fois de représenter, d assister mais aussi d éclairer et d alimenter les réflexions sur les problématiques importantes pour les communicant.es. Le rapport des jeunes à l entreprise et du rôle de la communication en fait partie, aussi pour favoriser leur rencontre.
La conviction de l AACC est que l entreprise est un lieu de transformation privilégié, et cette conviction est appuyée par de nombreuses études. Notre volonté était donc d approfondir cette intuition tournée vers une jeunesse ayant soif de changer le monde, avec l envie de dépasser un certain nombre d idées reçues. D un côté, des entreprises traditionnelles , convaincues de la désaffection des jeunes générations à leur égard, qui les jugeraient vieillissantes et se tourneraient en conséquence vers les start-up et l auto-entrepreneuriat. Et de l autre, des jeunes considérant que les entreprises n auraient pas toutes pris le virage d un monde en transformation.
Parallèlement à cela, le constat du poids grandissant des entreprises dans la société, notamment sur les problématiques de bien commun, leurs capacités dépassant celles des États. Les attentes, tacites ou formulées, des consommateurs et consommatrices, conscient.es de ces moyens économiques, à leur encontre sont au moins équivalentes voire plus fortes que celles adressées aux politiques. Le livre publié par Pascal Demurger, Directeur Général de la MAIF*, abonde en ce sens. Son titre est suffisamment éloquent pour annoncer le propos : L entreprise du XXIe siècle sera politique ou ne sera plus . L idée selon laquelle le rôle de l entreprise dépasse largement le périmètre de son activité est, en effet, de plus en plus prégnante. Cette idée est d ailleurs légiférée par la loi Pacte, dont l une des dispositions phares est l incitation à inscrire la raison d être des entreprises dans leurs statuts. On devine ainsi que leur rôle ne se limite plus à celui d acteur économique : leur contribution sociétale n est plus optionnelle, elle est attendue et constitue même la condition sine qua none de leur acceptabilité dans l opinion.
Quelle méthodologie suit cette étude ?
La publication The Young Deal est le fruit d un double travail. Qualitatif, d une part, auprès de jeunes suivant une formation auprès de la CCIP (Chambre de Commerce et d Industrie de la région Paris-Île-de-France), avec pour but de cerner les attentes des jeunes vis-à-vis des entreprises, de mesurer leur engagement et la carrière qu ils espèrent. Quantitatif, d autre part, en partenariat avec CSA Research et sous la forme d un sondage auprès de cette même population mais à plus vaste échelle. Le croisement des résultats, couplé à un travail d analyse et de recoupement des données, a permis de dégager une dizaine de points qui ont donné naissance à ce nouveau contrat de confiance à destination des jeunes et des entreprises.
Quels sont les enseignements les plus marquants de cette étude ?
Déjà, l enquête permet de révéler que les idées reçues évoquées précédemment sont rapidement mises à mal, puisqu on observe, a contrario, une convergence d intérêt et de point de vue entre les aspirations des jeunes et ce dont les entreprises ont besoin pour se transformer. Et ce, au moins à quatre égards : la créativité, l ouverture, la digitalisation et l engagement. Ces quatre notions, chères aux 18-25 ans, sont également des instruments majeurs de transformation et de pérennité pour les entreprises.
Par ailleurs, le constat que, si l entreprise veut obtenir l adhésion des jeunes, leur épanouissement, et s attacher ainsi leurs compétences, il est indispensable de leur donner des responsabilités et de la place ! Plus on leur offre cette capacité d agir, plus les jeunes s engagent. L étude est révélatrice : 91 % des celles et ceux qui pensent pouvoir changer les choses disent avoir envie de s impliquer. D autre part, il revient aux entreprises de se responsabiliser et de prendre les mesures adéquates visant à adapter leur gouvernance, leurs méthodes de management et leur communication pour se rendre attractives aux yeux de la jeunesse.
Enfin, comme souligné dans le point 6 de notre publication, la dimension humaine demeure fondamentale. C est d ailleurs un point essentiel en matière de recrutement : si les possibilités sont nombreuses d utiliser des moyens technologiques dématérialisés pour réaliser les entretiens d embauche, le contact humain reste privilégié par les 18-25 ans.
Comment la communication doit-elle se réinventer pour répondre aux attentes des jeunes générations ?
Le rôle de la communication est d embarquer les publics internes pour les mobiliser, et de faire de la pédagogie de la transformation pour les rendre acteurs de ce mouvement. Il y a nécessité à réformer en profondeur le monde de l entreprise pour capter les jeunes talents, puis à les embarquer complètement par la raison d être et l histoire ! Éclairer, formaliser la vision de l entreprise, mettre en mots et en musique le sens de la mission, voilà le rôle de la communication, et cela aussi bien en interne qu en externe.
Pour jouer ce rôle stratégique et embarquer la jeunesse, la communication doit se réinventer. Notamment en activant le levier de sincérité, en se montrant à la fois crédible et engageante, et en déployant une logique de codes suffisamment éloquente, évocatrice. Cela passe par l adaptation des formats et de la tonalité des supports de communication, empruntant autant à l interactivité du divertissement qu à la véracité du documentaire.
Propos recueillis par Géraldine Piriou, cheffe de projets contenus, COM-ENT
*L'entreprise du XXe siècle sera politique ou ne sera plus, Pascal Demurger, Editions de l aube
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