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Communication positive : y a-t-il un modèle agricole ?

TRIBUNES

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27/05/2021

La communication positive est à la mode. Celle-ci peut avoir deux acceptions. Il s'agit tout d'abord d'une communication interpersonnelle, d'une approche des relations humaines dans un cadre professionnel, familial, scolaire et notamment d'un mode de gestion des situations conflictuelles, proche de la communication non violente et de la pensée positive. Elle relève en grande partie de la gestion des ressources humaines et a pour objectif de créer une atmosphère où les relations interpersonnelles sont apaisées et les conflits peuvent se gérer sans trop de heurts. Alain Labruffe, auteur notamment de La communication positive (Presses universitaires de Bordeaux, 1997) en est le principal inspirateur en France. 

La seconde acception, qui va nous intéresser ici, renvoie à une communication institutionnelle ou éventuellement individuelle de nature professionnelle, notamment dans des secteurs qui essuient pas mal de critiques dans l'espace public en raison de pratiques ou d'activités qui y sont couramment décriées. Elle vise en particulier à améliorer, voire à rétablir la confiance du récepteur envers l'émetteur en délivrant un message positif en vue de répondre aux attentes sociétales généralement autour d'engagements en termes de responsabilité sociétale (RSE).

Ce qui se passe depuis quelques années dans le secteur agricole est sans aucun doute riche d'enseignements en la matière. Nombre d'agriculteurs ont le sentiment que certaines de leurs pratiques et activités font l'objet d'un dénigrement assez systématique dans l'espace public, ce qui a été appelé agribashing. Dans un tel contexte, une grande partie du monde agricole a décidé de reprendre sa communication en main et de faire évoluer sa façon de communiquer en cherchant à délivrer un message positif sur l'agriculture et les agriculteurs et à en donner une image positive. Les deux grands symboles de cette mutation de la communication agricole sont les AgriYoutubeurs et les AgriTwittos rassemblés notamment dans l'association FranceAgriTwittos. En dépit des spécificités du monde agricole, on peut néanmoins déduire de ce que font les agriculteurs un certain nombre de bonnes pratiques en matière de communication positive autour des dix principes suivants.

  • (1) La communication positive est tout d'abord une communication proactive. C'est une communication par temps calme (hors crise) où l'on maîtrise le temps (on n'est pas en réaction) et ce que l'on dit (qui n'est pas dicté par la critique à laquelle il faut répondre). Cela consiste pour les agriculteurs à prendre des initiatives pour aller à la rencontre du public ou à saisir toutes les opportunités pour nouer un dialogue apaisé et constructif avec lui. 
  • (2) Cette communication consiste, en effet, à cibler prioritairement le grand public, à savoir les citoyens, les consommateurs et les clients dans leur grande diversité. Cette communication vise avant tout à répondre à leurs interrogations. 
  • (3) Il est indispensable que cette communication soit incarnée. Or, qui mieux que les agriculteurs eux-mêmes pour incarner l'agriculture d'aujourd'hui. De toute évidence, ils sont les mieux placés pour parler de ce qu'ls font au quotidien. Ils doivent le faire par de l'information et de la pédagogie en prenant au sérieux ce que disent et ce que pensent les gens. Cela implique pour les agriculteurs de recourir à un langage simple et compréhensible par un non-spécialiste et de répondre le plus précisément possible aux questions qui sont posées ou aux préoccupations qui sont exprimées.
  • (4) La communication positive suppose d'avoir au préalable une posture d'ouverture, de dialogue, de transparence et de bienveillance vis-à-vis du public et de ses attentes. C'est aussi accepter de discuter avec celles et ceux qui ne sont pas d accord avec nous. C'est donc d'abord un état d'esprit. 
  • (5) Cette communication doit s'efforcer de montrer au public la réalité de l'agriculture d'aujourd'hui par-delà les clichés et les caricatures. Elle vise à expliquer le plus calmement, le plus clairement et le plus précisément possible ce que font les agriculteurs au quotidien, en montrant notamment le lien qui existe entre ce qu'ils produisent et ce que les consommateurs ont dans leur assiette. 
  • (6) Elle consiste aussi à démontrer au public que les agriculteurs entendent les critiques, que leurs pratiques ont beaucoup évolué ces dernières années et qu'elles évoluent sans cesse, en particulier pour répondre aux attentes du public en lui apportant des preuves concrètes et tangibles de ces évolutions. La communication positive, c'est avant tout une communication par la preuve.
  • (7) Elle implique d'être cohérent entre le message délivré et ses actes. Ce qui est entendu par le récepteur doit également correspondre à ce qui est dit par l'émetteur. C'est donc dire ce que l'on fait et faire ce que l'on dit (et ce que l'on s'est engagé à faire) avec là aussi des preuves tangibles que ce que l'on dit, on le fait vraiment. Cela implique d'être le plus irréprochable possible et aussi sans doute de faire évoluer certaines pratiques. 
  • (8) Cette communication est aussi positive car elle entend montrer ce qui marche, ce qui va dans le bon sens, en l'occurrence que l'agriculture est avant tout une solution et qu'elle contribue largement au bien commun. Cela nécessite donc d'avoir une vision optimiste, positive, pragmatique et constructive.
  • (9) Cette communication consiste à reconnecter, unir et rassembler en premier lieu les agriculteurs au reste de la société. Elle ne doit pas opposer les « modèles » (et donc dénigrer d'autres modes de production comme l'agriculture bio), les producteurs aux consommateurs, les agriculteurs entre eux, les citadins aux ruraux, les écologistes ou les journalistes aux agriculteurs. Elle est donc consensuelle car elle cherche à rassembler autour d'éléments qui font consensus, et non à opposer les uns et les autres autour des sujets qui fâchent. 
  • (10) Enfin, la communication positive, c'est surtout de la bienveillance et de l'humain. C'est une communication basée sur la confiance en ce que l'on est et en ce que l'on fait on ne peut communiquer positivement si l'on n'est pas fier de ce que l'on fait, en notre capacité à expliquer ce que l'on fait, en la capacité du public à écouter et à comprendre, et en définitive en la capacité des agriculteurs à se reconnecter avec le reste de la société. Cette communication doit aussi être humaine. Les agriculteurs doivent montrer et transmettre leur enthousiasme et leur passion pour leur métier, qui est la plupart du temps une vocation, pour la nature et leurs animaux, et raconter leur propre histoire.
     

Eddy Fougier est consultant indépendant. Il vient de publier Communication agricole : la grande mutation ? (étude pour le think tank AgriDées, 2021)

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