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Vincent de La Vaissière, Président de VCOMV : “Il n’y a jamais eu autant d’agences dans les grandes manœuvres des entreprises du CAC 40”

LES ESSENTIELS

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25/05/2021

Tous les deux ans, l'étude CAC 40 de VCOMV, cabinet spécialisé dans le conseil, les études qualitatives et les relations publiques, dresse un état des lieux sans concession des entreprises qui font l'économie mondiale. Cette année, VCOMV s'est également employé à produire une seconde étude, sous la forme d'un benchmark des agences de conseil stratégique et d'influence qui gravitent autour des dirigeants et dirigeantes du CAC 40. 

A mi-chemin entre le benchmark et l'intelligence économique, ces études, qui donnent la parole à 180 journalistes français.es et anglo-saxon.nes interviewé.es en face-à-face, sont devenus de véritables rendez-vous de veille et d'évaluation des plus grandes entreprises européennes et de leurs stratégies. A l'occasion du Bench Live #3, Vincent de La Vaissière, président de VCOMV, présentait les faits marquants de ces deux études et les grandes tendances observées.

Comportement des dirigeant.es du CAC 40 : les 3 grandes tendances de 2021

Cette neuvième édition s'inscrit dans un contexte particulier : celui d'une année 2020 marquée par la crise sanitaire et économique liée à la Covid-19. "On dit que c'est en période de tempête que l'on découvre les grands capitaines d'industrie. On a été servi : il n y a jamais eu autant de grandes manœuvres en une seule année", commente Vincent de La Vaissière. Ces "grandes manœuvres" ont pris la forme d'acquisitions, comme le rachat de Bombardier Transport par Alstom, d'opérations d'éviction de dirigeant.es (Danone, Engie), ou de révoltes actionnariales. Fait nouveau, il faut également composer avec les SPAC, ces sociétés créées dans le but de réaliser une acquisition. 2020 fut donc un millésime sans précédent, alors même qu'"on aurait pu penser que la Covid frapperait d'immobilisme les entreprises du CAC 40 ".

Ces mouvements ont permis à VCOMV de mettre en lumière les principales tendances comportementales des grand.es dirigeant.es et d identifier les qualités requises pour être "un bon capitaine d'industrie en période de tempête'". La capacité à manœuvrer, parlons-en : c'est précisément la première qualité citée par le président de VCOMV. "Être manoeuvrant, cela veut dire être un acteur et non un pion de la consolidation, précise-t-il. Cela suppose des qualités particulières de mobilité et d'agilité. Cela suppose aussi de manier tour à tour le télescope et le microscope . Autrement dit : voir loin pour porter au plus haut l'ambition stratégique tout en gardant le sens du détail, dans lequel le diable se cache souvent".

Toujours selon cette 9e édition, exit le temps où les grand.es dirigeant.es prenaient la tête d une entreprise par la voie de parachutages secs , sans aucune connaissance du secteur d activité. Dorénavant, la tendance est à la connaissance du produit. Les journalistes interviewé.es par Vincent de la Vaissière sont catégoriques : "Il nous faut des geeks, des techos, des car guys, des épiciers. A l'exemple de Carlos Tavares (Stellantis), symbole par excellence du patron qui a le sens du produit. Et si le patron en question n'a pas en vitrine ce sens du produit, il va le chercher dans la réserve (...) ou à l'étranger". A l'instar de Stéphane Richard (Orange), qui missionne Michaël Trabbia, originellement à la tête d'Orange Belgique, pour redresser l'innovation au sein du groupe ; ou encore d'Alexandre Bompard (Carrefour), qui, "n'étant pas un épicier, nomme Rami Baitièh à la tête de Carrefour France". Ce renouvellement des dirigeant.es fous de marketing de leurs secteur est un phénomène essentiel et sans précédent sur la période 2020-début 2021. Résultat des courses : chacune des entreprises du CAC 40 compte désormais "des spécialistes de la spécialité'". Vincent de La Vaissière note, a contrario, que "si l'on perd le sens du produit (...), c'est là que les ennuis commencent". Et de citer les cas, pour l'année 2020, d'Emmanuel Faber chez Danone et d'Isabelle Kocher chez Engie, qui, selon lui, "avaient perdu le sens du produit, en tout cas dans leurs entreprises respectives. Il y avait tellement (...) de travaux en mauvaise intelligence avec le conseil d'administration qu'on ne parlait plus de stratégie ni de produit. (...) Ces deux personnes n'arrivant plus à travailler avec leurs conseils d administration ne sont plus à la tête de leurs entreprises". 

Troisième qualité énoncée par le président de VCOMV : jouer groupé et collectif , c'est-à-dire "ne plus faire comme dans les mémoires des années 60-70-80 (...), le patron jupitérien qui ne travaille pas en équipe". Comment cela se traduit dans les faits ? "Cela veut dire avoir un Comex fort, recruter les meilleurs, voire plus capés que soi, ne serait-ce que pour préparer sa succession". Vincent de La Vaissière rappelle également l'importance de se doter d'une gouvernance duale (direction générale-conseil d'administration ; directoire-conseil de surveillance ou encore gérance-conseil de surveillance dans le cas d'une commandite). C'est une tendance forte : en 2013, on recensait 35 % de gouvernance duale au sein du CAC 40. Au 1er juillet 2021, post assemblées générales du printemps, on en comptera 65 % ". Un chiffre à pondérer à la hausse, la notion d'administrateur.rices référent.es s'imposant du fait de la poussée des fonds activistes. "C'est une deuxième manière de travailler groupé (...) et quand ça marche, ça marche très bien, comme on peut le voir avec BNP Paribas". En l'absence de gouvernance duale, il faut savoir composer avec un fond activiste. "C'est un peu comme le médecin, vous êtes malade de votre gouvernance, de votre entreprise, le fond activiste prend des parts de votre capital, vous dit ce qu'il faut faire pour guérir. Soit vous prenez les médicaments, soit vous ne les prenez pas. Si vous ne les prenez pas, je ne donne pas cher de votre peau. Si vous les prenez, il se retire", à l'exemple de Pernod Ricard, qui a renouvelé son conseil d'administration, changé son mode de gouvernance et nommé une administratrice référente.

Agences de conseil stratégique et d influence : un marché encore très oligopolistique 

Avec la création de DGM Conseil en 1986, apparaissent sur le marché des agences spécialisées dans le conseil stratégique et l'influence des dirigeant.es. A DGM Conseil s ajoutent rapidement Image 7 et les deux grands groupes mondiaux de publicité français, Havas et Publicis Consultants. "C'est un marché encore très oligopolistique, une chasse gardée. Ces 4 agences totalisent, conjointement ou séparément, 34 grandes entreprises en conseil permanent et global, soit 85 % des entreprises du CAC 40", résume Vincent de la Vaissière.

La vocation de cette première édition de l'étude Agences est d'obtenir une photographie de l'existant pour déterminer les facteurs potentiels de relève. Une photographie d'autant plus intéressante et révélatrice dans le contexte spécifique de 2020 : "Il n'y a jamais eu autant de grandes manœuvres au sein de l'année 2020, et jamais eu autant d agences dans ces grandes manœuvres. Le cas le plus emblématique de cette présence des agences est l'opération Veolia-Suez, avec rien de moins que 8 agences pour défendre les intérêts de Suez face à Veolia". Autre point saillant : l'emprise grandissante de ces agences au sein du pouvoir. Pour la première fois sous la Ve République, le président d'une de ces quatre agences, Clément Leonarduzzi (ex Publicis Consultants), est devenu le dircom du chef de l'État. "Les cabinets ministériels eux-mêmes sont peuplés de conseillers en communication image et digitale bien souvent issus des agences en question et notamment de chez Havas, dont l'essaimage (des talents) entre l'agence et l'entreprise ou les cabinets ministériels est la spécialité". Un phénomène qui illustre l'influence de ces agences sur le pouvoir en place. 

Vincent de la Vaissière s'est ensuite employé, dans le cadre de cette étude, à identifier les principaux déterminants d'une possible relève. Il en relève quatre. 

Le premier est à mettre en perspective avec le renouvellement sans précédent, en 2020, des dirigeant.es du CAC 40 : "On peut penser que certains d'entre eux pourraient trouver avantage soit à s'adjoindre les services d'une autre agence, soit à se séparer de l'agence actuelle au profit d'une nouvelle", explique le président de VCOMV.

Le deuxième vient du marché lui-même, avec une offre qui est le produit des grandes tendances de fond : la data, la digitalisation, la raison d'être, la corporate gouvernance, ou encore et surtout en période de Covid, la communication judiciaire, la liquidation d'entreprises et les problématiques sociales. Toujours selon Vincent de la Vaissière, les nouveaux médias est d'ailleurs l'une des grandes failles de certaines agences, de même que la digitalisation et la data : "Il est inconcevable de ne pas avoir une offre très globale de communication, dont de communication digitale. Le métier de communicant devient de plus en plus technique voire technologique !" De même, la raison d'être, sacralisée par la Loi PACTE. Il ne s'agit pas de travailler la raison d'être de façon cosmétique mais en profondeur. Si on veut capter l'attention d'une grosse entreprise du CAC40, il est désormais impossible de ne pas savoir ce que sont la corporate gouvernance, la raison d être, la data... Ce sont des mots clés et de ce fait des offres clés des agences". Un passage obligé, donc, pour toute agence qui voudrait croquer du CAC 40. Compte tenu de ces nouvelles tendances fortes, les entreprises peuvent éprouver le besoin de s'adjoindre de nouvelles compétences en complément de celles qu'elles ont déjà et "c'est cette tentative ou cette tentation de faire le pas de côté, de faire un bout de chemin avec certaines agences beaucoup plus spécialisées, peut-être beaucoup plus modernes ou de niches" qui pourrait faire bouger ce marché encore très figé. 

Le troisième facteur de renouvellement est lié à l'élévation du niveau des directeurs et directrices de communication et à leur rajeunissement, à l'image d Elise Hermant (Groupe ADP). "Ces profils différents, qui ne viennent pas forcément de la com et qui ont entre 40 et 45 ans", ont souvent transité par des agences. "Cette nouvelle génération de dircoms qui sait compter et à qui on ne va pas en conter" pourrait avoir envie de nouer de nouvelles alliances. Et Vincent de la Vaissière de rappeler, qu'au 27 avril 2021, 27,5 % des dircoms du CAC 40 ont été formés en agence, essentiellement chez Havas, Image 7 et Publicis Consultants. 

Une quatrième voie possible de changement tient du rajeunissement des patrons et patronnes d'agences eux-mêmes : "Ils ont envie de croquer du CAC 40". Sans compter les transfuges d'agences, qui en rejoignant une nouvelle structure peuvent être tenté.es de partir avec le dessus du portefeuille. 

Est-ce que le paysage va sensiblement bouger pour autant ? "Je ne le pense pas, il y a une force d inertie du marché, les réflexes ont la vie longue. Et une force de résistance de ces patrons d'agences qui ne s'en laissent pas non plus conter et qui ne vont pas laisser le marché filer comme ça", conclut le président de VCOMV. 

Méthodologie des deux études

Qualitatives et très approfondies, l'étude CAC 40 et l'étude Agences de VCOMV ont nécessité 6 mois de terrain. De septembre 2020 à mars 2021 pour l'étude CAC 40, soit quelque 270 heures d interviews, au cours desquelles 180 journalistes ont été interrogé.es. Pour l'étude Agences, ce sont 60 journalistes, 30 dircoms et les patron.nes des grandes agences du CAC 40 qui ont été sollicité.es. Les interviews sont réalisées sous couvert d'anonymat.

L'étude CAC 40 est un outil de conseil global pour les entreprises et se fonde sur des critères tels que l'incarnation interne et externe de l'entreprise par les dirigeant.es, leur vision stratégique et leur capacité à délivrer ou non. Enfin, un troisième critère concerne la gestion des crises, c'est-à-dire toutes les occasions de mise sous tension de l'entreprise, y compris positives (Fusac).

L'étude Agences a vocation à comprendre les rouages et engrenages de cet oligopole ; et l'ADN de chacune des agences qui le compose (l'essaimage pour Havas, les grands groupes familiaux pour Image 7).  


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Par Géraldine Piriou, cheffe de projet contenus, COM-ENT 

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