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Le droit appliqué au journalisme de presse et de communication expliqué par Jean-Marie Léger, avocat

LES ESSENTIELS

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22/07/2019

Internet a considérablement bouleversé les modes de diffusion des contenus élaborés par les journalistes de presse et de communication, les rendant plus vulnérables au plagiat et au piratage. Une protection efficace est nécessaire et si le droit d auteur constitue l outil juridique privilégié, l originalité qu il requiert réduit son champ de protection. 

Jean-Marie Léger, avocat associé au sein du Cabinet Enthémis, a récemment publié Les créations des journalistes de presse et de communication. Protection & Exploitation . Il nous aide à y voir plus clair dans les segments de droit propres aux professions issues du journalisme et de la communication. 

Quelles sont les spécificités du droit de la communication ?

S il existe des textes juridiques relatifs la communication, notamment en matière de publicité et d audiovisuel, la communication n est pas régie par un code spécifique, contrairement au droit commercial ou au droit civil. Elle pioche donc dans les systèmes juridiques existants : droit des contrats, des marques, d auteur, RGPD En résumé, le droit de la communication a pour particularité d être transversal et, à ce titre, de ne pas être systématisé : une conception globale et cohérente fait toujours défaut.

En termes de création journalistique, une autre particularité des domaines de la presse et de la communication est incontestablement la disparité des statuts. On distingue traditionnellement 3 catégories de journalistes : professionnel.les, c est-à-dire œuvrant pour le compte d entreprises de presse classiques ; d entreprises, officiant au sein des services de communication ; atypiques, qui ont fait leur apparition avec les nouveaux médias : les influenceurs en font partie.  Cette disparité rend délicate l adoption d une réponse juridique globale aux problématiques de communication et de gestion des flux d informations.

Si la distinction entre les journalistes dit.es professionnel.les et de communication était à l origine très marquée, elle tend à s estomper depuis quelques années. La porosité entre ces deux profils est, en effet, de plus en plus grande, notamment du fait qu ils sont souvent issus de formations similaires. D ailleurs un.e journaliste professionnel.le peut, au cours de sa carrière, bifurquer vers le journalisme d entreprise et inversement. 

Quelles distinctions, justement, entre journalistes de presse et de communication ?

En vertu de l article du Code du travail L761-2, selon lequel "le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l'exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou dans une ou plusieurs agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources", la Cour de cassation estimait qu une personne devait travailler dans une ou plusieurs agences ou sociétés de presse pour pouvoir prétendre au statut de journaliste professionnel.le. 

La jurisprudence du Conseil d'État a toujours été moins tranchée. Elle admet en effet que la "reconnaissance de la qualité de journaliste professionnel n'est pas nécessairement subordonnée à la condition que l'activité soit exercée au sein d'une entreprise de presse". 

Dans un arrêt du 25 septembre 2013,  la Cour de cassation convient à son tour que "dans le cas où l'employeur n'est pas une entreprise de presse ou une agence de presse, la qualité de journaliste professionnel peut être retenue". Elle assortit toutefois une condition à cette reconnaissance : l indépendance éditoriale de la publication. 

Le succès de ce revirement est toutefois limité. Il crée au demeurant une insécurité juridique regrettable en permettant à des journalistes de communication de revendiquer des règles qui n ont pas été faites pour eux : clause de conscience, convention collective des journalistes   

Quelles sont les limites de cette distinction entre journalisme professionnel et de communication ?

Journalistes professionnel.les, pigistes, rédacteurs et rédactrices, journalistes de communication, salarié.es, indépendant.es... Du fait de la multiplicité des acteurs, les règles qui régissent les créations des journalistes sont difficiles à définir.   

Historiquement, la cession des droits d auteur était limitée. En vertu du droit de première publication, et sans clause spécifique, le ou la journaliste ne cédait pas les droits d exploitation de ses œuvres pour de nouvelles publications. Ainsi, l exploitation simultanée d un article en ligne et sur support papier ou encore la publication des archives d un titre de presse restaient problématiques, car elles devaient faire l objet d une nouvelle cession ainsi que d une nouvelle rémunération. Face aux difficultés économiques rencontrées par le secteur, de telles pratiques n étaient pas viables, les choses devaient changer. C est chose faite depuis les États généraux de la presse écrite, lancés en 2008. Depuis 2009, la loi dite Hadopi prévoit la cession automatique des droits patrimoniaux des journalistes au profit des employeurs. 

Ainsi, le salaire devient, dans le cadre du titre de presse, la contrepartie pleine et entière de la cession de l œuvre salariée pendant une période fixée par l accord d entreprise. Toute autre exploitation est soumise à des conditions et donne lieu au paiement d une rémunération complémentaire. 

Toutefois la cession légale à titre exclusif et définitif de l ensemble des droits patrimoniaux sur les contributions des journalistes professionnel.les, intégrée dans le Code de la propriété intellectuelle par la loi du 12 juin 2009 pour répondre aux préoccupations des entreprises de presse, comprend des subtilités qui ne sont pas sans risque. Elle repose sur un accord de l entreprise qui doit préciser de nombreuses modalités d une cession qui, finalement, est autant légale que conventionnelle . De plus, elle introduit "une notion de temporalité" qui oblige les parties parties prenantes à convenir d un mode de rémunération spécifique. 

Le droit d auteur est-il suffisamment protecteur pour Internet ?

Les éditeurs endossent la totale responsabilité des contenus, notamment quand ces contenus protégés par le droit d auteur sont utilisés sans autorisation, quand les fournisseurs d hébergement n ont qu une responsabilité allégée. Le formalisme qui entoure cette responsabilité pose de nombreuses difficultés lorsqu il s agit de mettre en cause l hébergeur. 

Le projet de Directive « droit d auteur », votée par le Parlement européen en mars 2019, est de nature à changer les choses. Elle tend vers plus de responsabilités pour les hébergeurs, même si la mise en cause de leur responsabilité reste encore subordonnée à certaines conditions. 

Quelles solutions pour réguler la profession dans sa totalité ?

Face à la multiplication des fake news et à la crise de confiance médiatique, il y a plus que jamais nécessité de lui redonner sa légitimité. Et cela passe sûrement par la définition d un cadre plus strict. Une partie de la solution se trouve certainement vers un retour à plus d exigence pour inviter les journalistes à renouer avec les objectifs fondamentaux qui sont les leurs : la diffusion d une information de qualité, fiable, libre et indépendante. Un renforcement des responsabilités pourrait s avérer salutaire car, à l heure actuelle, le journalisme professionnel n est soumis qu à une déontologie sans sanction. Ce qui n est pas le cas du journalisme de communication, très encadré par la loi et notamment par les règles protectrices des consommateurs. En tout état de cause, il est regrettable que la liberté d expression soit de plus en plus entravée par des interdits pénalement sanctionnés. L institution d un Ordre pour l ensemble des journalistes, professionnel.les et de communication, permettant de défendre et de réguler cette profession, ne pourrait-elle pas être une réponse pertinente à cet enjeu majeur ?

Propos recueillis par Géraldine Piriou, cheffe de projets contenus, COM-ENT

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