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Olivier Godest, fondateur du salon Virtuality : “L’événement idéal de demain sera hybride”

FUTUR

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05/10/2020

Olivier Godest est le fondateur du salon Virtuality, inauguré en 2017 et dédié aux technologies immersives. Comme la plupart des acteurs de l’événementiel, il a dû se réinventer pour adapter son offre aux contraintes liées à la situation sanitaire actuelle. A la croisée de l’événementiel et de l’innovation, il est un observateur privilégié des bouleversements qui interrogent actuellement l’ensemble du secteur. L’événement de demain sera-t-il virtuel ? Curieux.ses de prendre le pouls de la tendance, nous lui avons posé quelques questions.  

COM-ENT : Virtuality est le salon “dédié à la réalité virtuelle et aux technologies immersives” : pour commencer, pouvez-vous nous expliquer brièvement la différence entre VR, AR, MR et XR ? 

Olivier Godest : Parmi ces acronymes, trois servent à différencier des technologies distinctes : VR pour Virtual Reality ou réalité virtuelle (RV) en français, AR pour Augmented Reality, qui désigne la réalité augmentée (RA) et enfin MR pour Mixed Reality ou réalité mixte. On utilise l’acronyme XR (Extended Reality ou réalité étendue) pour parler de l’ensemble de cette industrie. Si demain, une nouvelle technologie immersive se crée, elle sera également comprise dans la XR.  

La première édition du salon a été lancée à Paris en 2017. Pourquoi avoir créé ce rendez-vous ? Quel était votre constat ?

L’idée a germé en 2016 et s’est matérialisée avec l’inauguration du premier salon un an plus tard, en février 2017. Virtuality est d’abord le fruit d’une passion et d’une rencontre : j’ai découvert ces technologies un peu par hasard, alors que je préparais une table ronde sur le sujet et que je devais interviewer un entrepreneur spécialisé en RV. C’était au tout début de la XR, c’était encore un marché de niche réservé à certains professionnels : il existait très peu de casques VR accessibles pour le grand public… Je suis tombé amoureux de ces technologies et de leur potentiel. J’ai eu envie de partager cette découverte avec le plus grand nombre et de participer à son essor économique. 

L’année 2020 marque la 4e édition de Virtuality. Comment ce salon a-t-il évolué en 4 ans ? 

Le salon a beaucoup évolué en 3 ans. Quand nous avons commencé, la réalité virtuelle n’était pas aussi accessible que maintenant, le matériel de qualité était coûteux et l’utilité de ces technologies était encore à prouver auprès de certains. La démocratisation fut donc l’objectif numéro 1 de la première édition. Nous pensions que nous devions nous adresser à un public le plus large possible pour que les débouchés se multiplient et pour casser l’image caricaturale qui voudrait qualifier la RV de « gadget », en montrant des applications abouties et si possible utiles. Au fur et à mesure des années, nous avons ensuite privilégié l’orientation business du salon, en le recentrant davantage sur un public professionnel. Ce sont à l’heure actuelle les interactions B2B qui font vivre majoritairement les acteurs de cette industrie, nous avons donc accompagné le développement de ceux qui font la XR.

Depuis cette année, Virtuality est donc à 100 % destiné aux professionnels, ce qui marque sa différence par rapport à d’autres événements dédiés à la XR.

Une autre différence majeure : Virtuality est le seul salon de cette envergure à être désormais gratuit pour les visiteurs. Nous fonctionnons selon un système d’accréditation sur justification d’une activité professionnelle. Nous accueillons aussi à la marge des étudiants en fin de cycle et des personnes en recherche d’emploi, car c’est un secteur qui recrute ! Alors que d’autres salons du secteur font payer les participants, nous pensons qu’il faut lever tous les freins entre les entreprises et leurs potentiels clients. 

Pour cette quatrième édition, nous prenons également un virage très important puisque nous avons décidé d’organiser notre salon de façon totalement virtuelle. Vous y retrouverez l’ADN de notre événement avec des stands (virtuels), du networking et un auditorium avec de nombreuses conférences, tables rondes et sessions de pitchs. Chacun pourra profiter de ce « jeu vidéo » pensé pour le business, au travers d’un avatar capable de nombreuses interactions. 

Virtuality 2020 sera donc dématérialisé : comment avez-vous pris cette décision ?

Le contexte nous a clairement poussé à faire ce choix innovant. L’année commençait bien et soudain, au mois de mars : Covid, confinement… A ce moment, mille questions se posent et notamment : est-ce qu’on continue, est-ce qu’on arrête ? Nous souhaitions conserver une partie de notre événement en physique, idée que nous avons dû abandonner début septembre. 

La question d’un salon 100 % digital s’est posée pendant tout le confinement. Nous avions vu d’autres événements faire des essais, pour certains un peu sur le format de ce que nous allons faire mais avec des caractéristiques qui ne nous correspondaient pas en terme d’image de marque. 

Beaucoup de choses ont également été organisées avec Zoom ou d’autres solutions s’appuyant majoritairement sur l’utilisation de sa webcam : des conférences, des salons américains dédiés à la VR qui se transformaient en visioconférences, cela nous attristait ! Un des problèmes de ce format est qu’on s’y ennuie très rapidement : il n’y a pas d’interactions pour le participant. La multiplication de l’offre en visio est une autre problématique : est-ce que cela fait encore venir l’audience ? Crée-t-on vraiment l’événement ? Je ne suis pas sûr et je ne considère pas que ce soit cela notre cœur de métier, d’autant plus dans un contexte où l’on commence déjà à parler de “Zoom fatigue”. 

Virtuality parle d’un sujet innovant et nous sommes censés représenter l’avenir : les moyens existants pour proposer une version numérique de notre événement ne permettaient pas de valoriser ces technologies innovantes. Si les solutions digitales n’étaient pas satisfaisantes, il était pour nous indispensable que l’événement ne soit pas non plus accessible qu’en réalité virtuelle : non seulement pour l’ouvrir au plus grand nombre mais également car les outils actuels sont pensés pour des dispositifs VR et lorsqu’ils sont déclinés pour PC ou Mac, l’expérience est dégradée pour être accessible en 2D. 

Pouvez-vous nous en dire plus sur le format de l’édition 2020 ? 

Nous avons rencontré les équipes de Manzalab, spécialisées dans la création d’expériences immersives et digitales, qui étaient intéressées pour un partenariat sur le salon physique et qui nous ont présenté leur outil Teemew pour réfléchir à une déclinaison dématérialisée de l’événement. La solution était prometteuse mais perfectible pour qu’elle réponde aux besoins de nos publics, à savoir : 1) exposer avec la possibilité de personnaliser les stands et bien sûr de présenter des supports, 2) networker et 3) permettre la diffusion de contenus qui ne soient pas de la visioconférence ! Notre autre point était de trouver un business model pérenne, qui soit valable l’année prochaine mais aussi opérant pour les autres organisateurs de salons professionnels. C’est ainsi que le projet appelé “Virtuality Expérience” a vu le jour, en partenariat avec Manzalab. 

L’innovation est double : un format hybride digital-VR pour le salon Virtuality et une alternative potentielle pour l’ensemble des acteurs de l’événementiel B2B. Cette formule que nous voulons pouvoir répliquer à d’autres événements s’appuie sur une base configurable, un template pensé pour limiter le temps de production et personnalisable.

Qui sont vos exposant.es ? Comptez-vous parmi eux.elles des profils de communicant.es ? Si oui, quels usages sont faits de ces technologies par les services de communication ?

La plupart de nos exposants sont des entreprises qui travaillent dans le domaine de la XR. Cela va de Microsoft, qui est présent avec une dizaine de partenaires, à de plus petites structures, voire des freelances, des studios, ou encore des agences de marketing qui ont une branche spécialisée dans ces domaines-là. Il y a un grand écart entre les entités plutôt positionnées sur le secteur du divertissement et d’autres plus industrielles : pour la production, la maintenance… Sans oublier les domaines de la formation ou du travail collaboratif et quelques institutionnels, notamment l’Institut Français : la variété est au rendez-vous ! C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse d’un événement comme le nôtre, qui se fonde sur une technologie et non autour d’un secteur d’activité : elle y est abordée sous tous ses angles. En tant qu’organisateur, cela fait aussi sa difficulté ; il n’est pas toujours facile de trouver un contenu adapté à tous. 

Quant aux communicants, ils sont présents mais ne représentent pas la majorité, à notre grand étonnement ! Des agences sont présentes, comme We are social qui est là depuis le début. Après, ce sont essentiellement des acteurs de production 3D qui travaillent sur commande pour des agences de communication. Pour l’instant, le marketing s’empare davantage des technologies immersives, réalité augmentée en tête : LEGO y a eu recours pour communiquer en magasins et via ses packagings ; des marques de luxe, de voiture l’utilisent dans leurs campagnes Snapchat. 

Quel est l’intérêt de ces technologies pour la communication ? 

Outre l’application événementielle, ces technologies permettent d’aller chercher des communautés sur des territoires où les marques ne s’aventurent pas, par méconnaissance d’une part, et d’autre part car on leur propose pas, contrairement aux dispositifs Social Media… Prenez les communautés de gamers : aujourd’hui on va les chercher sur Twitch mais des plateformes comme Steam sont encore peu investies. Il y a pourtant plein de choses à imaginer, notamment par le biais des add-on (addiciels). 

La dimension expérientielle est très intéressante en matière de communication : le taux de mémorisation avec la réalité virtuelle est démultiplié car l’expérience est ressentie comme véritablement vécue. Je pense à cette marque de tronçonneuse, Husqvarna, qui proposait en magasin et via Steam une démo de découpage de bois en VR avec des retours de force. Le potentiel des technologies immersives demeure encore sous exploité et peu d’acteurs savent répondre à ce genre de briefs. La réalité augmentée est plus accessible pour le grand public : en 2018, le comparateur de vols Kayak a lancé une application permettant de scanner la conformité des bagages. A quand le kit de montage d’Ikea en réalité augmentée ou une expérience d’exploration d’un village de vacances en VR ?  

Mais ces technologies immersives ne sont pas intéressantes uniquement pour leur côté “waouh”. Elles ont un vrai ROI pour l’interne, pour faciliter l’intégration des nouveaux salariés, comme le dispositif d’onboarding interactif testé par AXA Banque, ou pour accompagner la formation ou la montée en compétences. Sodexo utilise également la VR pour former ses collaborateurs aux risques métier. Les exemples sont très nombreux et ceux qui en parlent le mieux sont bien évidemment nos exposants.

Les technologies immersives : une solution d’avenir pour l’événementiel ? 

La VR, la RA, la MR ne sont que des outils ! Notre cœur de métier reste de créer de l’événement, c’est ce que nous essayons de faire en innovant sur le format de cette 4e édition. Il est essentiel de réintroduire la notion de rendez-vous et susciter l’intérêt d’être présent à l’instant t : nos conférences en ligne ne seront pas disponibles en replay : il faut venir à l’heure dite. 

D’un point de vue écologique et économique, je trouve que la solution que nous explorons est intéressante : elle offre la possibilité de rassembler des exposants et mobiliser des intervenants du monde entier, sans aucun déplacement ni coût d’hébergements pour les structures. Il y aura des enseignements à tirer après l’événement parce que nous avons encore plein d’idées et que ce n’est pas en 3 mois qu’on peut tout faire. Pour l’heure, nous érigeons des fondations solides. 

Quant à dire qui de l’événement physique ou virtuel sera le plus puissant à l’avenir : cela dépendra du monde dans lequel nous évoluerons mais pas seulement, des questions de rentabilité se poseront. L’événement idéal de demain sera très probablement hybride. D’une part, car derrière un écran, il y a un problème qu’on ne résoudra jamais sur la durée, même avec l’interactivité qu’introduisent les technologies immersives : c’est l’attention. D’autre part, car la situation actuelle va possiblement nous amener à changer la manière dont on aborde la partie physique : en mettant en place des manifestations plus petites, plus ciblées, plus tactiques. Mais toujours avec la petite bière à la fin : car le contact, c’est cela aussi l’événement !

Propos recueillis par Géraldine Piriou, cheffe de projets contenus, COM-ENT

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