L économie mondiale est entrée dans une ère définitivement post-industrielle, digitalisée, dématérialisée, dérégulée. Et si les perspectives d innovation sont sans limite, ce qui domine, au premier abord, est une impression de chaos. Valeurs, stratégies, usages, modèles d entreprise, consommation, les traditionnelles « croyances » économiques sont chahutées, voire inversées... Dans cette révolution permanente, la communication et les communicants ont un rôle essentiel : donner du sens, décoder l incompréhensible, défendre des valeurs. Encore faut-il savoir se remettre en cause.
Impactées dans leur développement, leur vision et leur quotidien par l ère digitale, les entreprises et leurs communicants sont en train de passer du modèle séquentiel, organisé du haut vers le bas, à celui du flux où seule vaut la capacité de surfer. Inventer, innover, renverser est devenu le moteur principal d un désir dans une consommation quotidiennement réinventée et devenue imprévisible.En interne, la multiplication des échanges, qui va de pair avec l individualisation de la société, a également transformé les relations. Mieux informé, plus indépendant, plus critique, le salarié « digital » a des idées sur tout et construit ses propres valeurs de référence. Il réfute les fondements symboliques et organisationnels que les entreprises avaient savamment construits : respect de l autorité hiérarchique, place respective des « sachants » et des exécutants, processus, etc. Le salarié revendique le droit à l autonomie de décision et à la créativité permanente. Enfin, se pose une question aussi essentielle que vitale : par quoi remplacer les anciens modèles de création de valeur ? Première réponse : l économie mondiale est entrée dans l ère des émotions. Le succès de Facebook ne repose que sur l exacerbation des capteurs de notre « animal social ». Et celui de Snapchat sur l adrénaline que génère l échange de fichiers fantômes et éphémères. « L expérience client » préempte désormais toutes les promesses du monde. Et si Apple est devenu la première capitalisation mondiale, c est parce que la marque à la pomme est l archétype de l entreprise qui a réussi à maîtriser la chaîne des émotions : la Life Time Value. Ce qui permet, aujourd hui, aux stars du digital comme Google, Facebook ou Tesla, s appuyant sur leur formidable puissance de mythe sociétal, d imaginer des « disruptions » hier encore invraisemblables ! Tesla lance des satellites, Apple construit des voitures et Google s est donné pour ambition de repousser l âge de la mort grâce aux biotechnologies. La fin de la langue de bois : la communication en quête de valeur Dans ce contexte, la communication doit, aussi, se réinventer. Et commencer par tirer les leçons des erreurs du passé, qui ont fait tant de mal à la crédibilité des entreprises. Règle N°1 : une entreprise qui ment est une entreprise condamnée. Exemple : le fameux scandale des lasagnes à la viande de cheval. Pris en faute, les dirigeants de Spanghero ont continué de mentir, mensonge aussitôt démasqué et l entreprise a été mise en faillite. Et que dire du dieselgate Volkswagen ? Quelques jours à peine après le déclenchement de l affaire, on évoquait déjà une facture de plus de 20 milliards d euros. Cette posture est encore plus vraie aujourd hui, à l ère des fake news et des premières manipulations « de marque » organisées. Les entreprises victimes payent très cher un fake si leur socle d authenticité ne sont pas fortement établi. Règle n°2 : l entreprise doit être l initiatrice des mauvaises nouvelles qui la concernent et ne pas hésiter à tout « déballer » devant l opinion publique. Le pire scénario est que le problème soit révélé par un lanceur d alerte. On l a vu avec la vague de suicides de salariés chez France Télécom, entre 2008 et 2009. L image de l opérateur téléphonique en est sortie en lambeaux. Et aujourd hui, France Télécom s appelle Orange... A contrario, quoi qu on pense par ailleurs de la communication de la Société Générale dans l affaire Kerviel, le fait est que le séisme aurait été dévastateur si l affaire avait été révélée par une autre source que la banque elle-même. Il a manqué à la communication de la Société Générale de faire un vrai mea culpa en prenant sa part de responsabilité. L image de la banque en a souffert, ses principaux dirigeants ont été écartés mais, en prenant les devants, elle a évité le pire : la panique sur les marchés et une possible faillite. La sincérité de l information est donc un préalable. Dans un deuxième temps, la communication doit trouver sa crédibilité, dans un équilibre entre vérité de l information, qualité du commentaire et subtilité des messages managériaux. Pour convaincre des publics déjà surinformés, la communication doit renforcer son « effet de réel » par des chiffres, des interviews filmées, des témoignages extérieurs. Il ne suffit pas de dire la vérité. Il faut l étayer en reprenant au besoin certains codes de l enquête journalistique. Cela permet au public de disposer d éléments objectifs pour se forger une conviction. La fin de la langue de bois sous-entend également que l entreprise a pris acte qu elle n avait plus les moyens de contrôler l information qui la concerne. Trop d émetteurs. Trop de canaux. A l ère numérique, 80% des contenus publiés sur l entreprise sont aujourd hui produits par d autres émetteurs qu elle. Et la valeur d une information publiée sur Twitter ne dépasse désormais pas plus de 18 minutes ! Renoncer à ce contrôle doit conduire l entreprise à accepter de diffuser des contenus qu elle n a pas elle-même produits, mais qu elle cautionne. Par ce choix, elle se positionne alors en tant que médiateur vis-à-vis de ses publics. Ce qui prime, c est le service rendu. La communication de l entreprise vaut aussi par son rôle de facilitateur. En interne, elle doit favoriser la transition de l entreprise vers l économie numérique. Notamment en adoptant une démarche pédagogique et même d avant-garde dans l utilisation des outils numériques. En externe aussi. La com doit construire, nourrir, prolonger et enrichir une relation à long terme avec ses publics. L entreprise doit devenir elle-même un média. C est à dire se constituer une audience, puis « travailler » cette audience en lui fournissant un meilleur service une meilleure information. La communication doit être pensée, aujourd hui, comme un moyen concurrentiel dont dispose l entreprise pour créer de la préférence en sa faveur. Une préférence qui constitue un élément essentiel de la « valeur immatérielle » de l entreprise, donc de sa prospérité à long terme. Denis Marquet, Trésorier de COM-ENT, Directeur Communication Groupe, Credit Agricole S.A Edouard Rencker, Président-directeur général, Makheia
Mobile, collaborative, interactive : l entreprise de demain n aura plus rien à voir avec les modèles qui, aujourd hui encore, prédominent... Découvrez l'ouvrage "Entreprise : muter ou périr - face à l'ubérisation du monde"
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Retours aux actualités
L’avènement de l’hypercommunication
2018-06-21 09:30:00
lescommunicants.fr
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2021-09-23 16:48:00
2018-06-21 09:30:00
Equipe Com-Ent
L économie mondiale est entrée dans une ère définitivement post-industrielle, digitalisée, dématérialisée, dérégulée. Et si les perspectives d innovation sont sans limite, ce qui domine, au premier abord, est une impression de chaos. Valeurs, stratégies, usages, modèles d entreprise, consommation, les traditionnelles « croyances » économiques sont chahutées, voire inversées... Dans cette révolution permanente, la communication et les communicants ont un rôle essentiel : donner du sens, décoder l incompréhensible, défendre des valeurs. Encore faut-il savoir se remettre en cause.
Impactées dans leur développement, leur vision et leur quotidien par l ère digitale, les entreprises et leurs communicants sont en train de passer du modèle séquentiel, organisé du haut vers le bas, à celui du flux où seule vaut la capacité de surfer. Inventer, innover, renverser est devenu le moteur principal d un désir dans une consommation quotidiennement réinventée et devenue imprévisible.
En interne, la multiplication des échanges, qui va de pair avec l individualisation de la société, a également transformé les relations. Mieux informé, plus indépendant, plus critique, le salarié « digital » a des idées sur tout et construit ses propres valeurs de référence. Il réfute les fondements symboliques et organisationnels que les entreprises avaient savamment construits : respect de l autorité hiérarchique, place respective des « sachants » et des exécutants, processus, etc. Le salarié revendique le droit à l autonomie de décision et à la créativité permanente.
Enfin, se pose une question aussi essentielle que vitale : par quoi remplacer les anciens modèles de création de valeur ? Première réponse : l économie mondiale est entrée dans l ère des émotions. Le succès de Facebook ne repose que sur l exacerbation des capteurs de notre « animal social ». Et celui de Snapchat sur l adrénaline que génère l échange de fichiers fantômes et éphémères. « L expérience client » préempte désormais toutes les promesses du monde. Et si Apple est devenu la première capitalisation mondiale, c est parce que la marque à la pomme est l archétype de l entreprise qui a réussi à maîtriser la chaîne des émotions : la Life Time Value. Ce qui permet, aujourd hui, aux stars du digital comme Google, Facebook ou Tesla, s appuyant sur leur formidable puissance de mythe sociétal, d imaginer des « disruptions » hier encore invraisemblables ! Tesla lance des satellites, Apple construit des voitures et Google s est donné pour ambition de repousser l âge de la mort grâce aux biotechnologies.
La fin de la langue de bois : la communication en quête de valeur
Dans ce contexte, la communication doit, aussi, se réinventer. Et commencer par tirer les leçons des erreurs du passé, qui ont fait tant de mal à la crédibilité des entreprises.
Règle N°1 : une entreprise qui ment est une entreprise condamnée. Exemple : le fameux scandale des lasagnes à la viande de cheval. Pris en faute, les dirigeants de Spanghero ont continué de mentir, mensonge aussitôt démasqué et l entreprise a été mise en faillite. Et que dire du dieselgate Volkswagen ? Quelques jours à peine après le déclenchement de l affaire, on évoquait déjà une facture de plus de 20 milliards d euros.
Cette posture est encore plus vraie aujourd hui, à l ère des fake news et des premières manipulations « de marque » organisées. Les entreprises victimes payent très cher un fake si leur socle d authenticité ne sont pas fortement établi.
Règle n°2 : l entreprise doit être l initiatrice des mauvaises nouvelles qui la concernent et ne pas hésiter à tout « déballer » devant l opinion publique. Le pire scénario est que le problème soit révélé par un lanceur d alerte. On l a vu avec la vague de suicides de salariés chez France Télécom, entre 2008 et 2009. L image de l opérateur téléphonique en est sortie en lambeaux. Et aujourd hui, France Télécom s appelle Orange... A contrario, quoi qu on pense par ailleurs de la communication de la Société Générale dans l affaire Kerviel, le fait est que le séisme aurait été dévastateur si l affaire avait été révélée par une autre source que la banque elle-même. Il a manqué à la communication de la Société Générale de faire un vrai mea culpa en prenant sa part de responsabilité. L image de la banque en a souffert, ses principaux dirigeants ont été écartés mais, en prenant les devants, elle a évité le pire : la panique sur les marchés et une possible faillite.
La sincérité de l information est donc un préalable. Dans un deuxième temps, la communication doit trouver sa crédibilité, dans un équilibre entre vérité de l information, qualité du commentaire et subtilité des messages managériaux. Pour convaincre des publics déjà surinformés, la communication doit renforcer son « effet de réel » par des chiffres, des interviews filmées, des témoignages extérieurs. Il ne suffit pas de dire la vérité. Il faut l étayer en reprenant au besoin certains codes de l enquête journalistique. Cela permet au public de disposer d éléments objectifs pour se forger une conviction.
La fin de la langue de bois sous-entend également que l entreprise a pris acte qu elle n avait plus les moyens de contrôler l information qui la concerne. Trop d émetteurs. Trop de canaux. A l ère numérique, 80% des contenus publiés sur l entreprise sont aujourd hui produits par d autres émetteurs qu elle. Et la valeur d une information publiée sur Twitter ne dépasse désormais pas plus de 18 minutes ! Renoncer à ce contrôle doit conduire l entreprise à accepter de diffuser des contenus qu elle n a pas elle-même produits, mais qu elle cautionne. Par ce choix, elle se positionne alors en tant que médiateur vis-à-vis de ses publics. Ce qui prime, c est le service rendu.
La communication de l entreprise vaut aussi par son rôle de facilitateur. En interne, elle doit favoriser la transition de l entreprise vers l économie numérique. Notamment en adoptant une démarche pédagogique et même d avant-garde dans l utilisation des outils numériques. En externe aussi. La com doit construire, nourrir, prolonger et enrichir une relation à long terme avec ses publics. L entreprise doit devenir elle-même un média. C est à dire se constituer une audience, puis « travailler » cette audience en lui fournissant un meilleur service une meilleure information. La communication doit être pensée, aujourd hui, comme un moyen concurrentiel dont dispose l entreprise pour créer de la préférence en sa faveur. Une préférence qui constitue un élément essentiel de la « valeur immatérielle » de l entreprise, donc de sa prospérité à long terme.
Denis Marquet, Trésorier de COM-ENT, Directeur Communication Groupe, Credit Agricole S.A
Edouard Rencker, Président-directeur général, Makheia
Mobile, collaborative, interactive : l entreprise de demain n aura plus rien à voir avec les modèles qui, aujourd hui encore, prédominent... Découvrez l'ouvrage "Entreprise : muter ou périr - face à l'ubérisation du monde"
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