« On a appris plus vite en deux mois qu’au cours des trois dernières années »
#DIRCOMMCONFINÉS #INTERVIEW7 – Sylvie Noulette, Directrice des marques et du Trade marketing du groupe Haier
Garantir la stratégie et le positionnement de 4 grandes marques d’électroménager en France – Candy, Hoover, Rosières, Haier – c’est la mission de Sylvie Noulette, directrice des marques et du trade marketing du groupe Haier depuis tout juste un an. Entourée par une petite dizaine de collaborateurs et collaboratrices, elle supervise la communication, le marketing, le digital, les RP, le social media et le trade marketing du numéro 1 mondial de l’électroménager implanté en France depuis 2005. Diplômée d’un Master en affaires internationales, Sylvie (46 ans) a passé une grande partie de sa carrière à construire des marques en qualité de directrice marketing de Lenovo, Jawbone, Acer et Logitech.
Epresspack : La crise sanitaire meurtrit le commerce partout dans le monde. Comment se porte Haier en France ?
Sylvie Noulette : Comme pour tout le marché, notre business a souffert avec la fermeture soudaine des distributeurs et points de vente physiques comme Darty ou Boulanger. Mais le plus important, c’est que nous avons été obligés de réfléchir différemment pour soutenir le e-commerce, qui lui continuait à vendre. Nous avons fait d’énormes progrès dans notre façon de travailler et de penser le digital. Donc oui, on a perdu du chiffre d’affaires mais on a appris plus vite en deux mois qu’au cours des trois dernières années.
Les Français.es ont-ils.elles changé leurs habitudes de consommation pendant le confinement ?
Pendant la crise, le marché du froid et des lave-linges est resté actif. Les congélateurs ont connu un boom car beaucoup de consommateur.rices ont cherché une zone de stockage supplémentaire pour leurs denrées. Les aspirateurs ont été pas mal sollicités aussi mais plutôt en seconde moitié du confinement. Coté usages, les datas de nos produits connectés indiquent une augmentation de 24 % de l’usage des lave-vaisselles et un accélération des programmes de lavage du linge haute température assurant une meilleure désinfection des vêtements. L’usage de nos produits est au fond un livre ouvert sur la vie des gens.
Avec la crise, les Français.es attendent que les marques accompagnent le changement et agissent pour le bien commun. Quelle est la réponse de Haier ?
L’engagement du groupe s’est d’abord manifesté envers ses employé.es, leur santé et leur bien-être. Distribution de masques, chômage partiel et télétravail jusqu’à fin mai ont été de mise et nous suivons scrupuleusement les recommandations gouvernementales. De fait, les 15 premiers jours, on a surtout cherché à rétablir les circuits de communication interne. On l’a peu dit, mais nous avons aussi fait don, à notre échelle, de 12 000 masques à l’association régionale de santé (ARS) et à certains Ehpads autour de notre siège social à Saint-Denis.
La stratégie et les actions de communication et de marketing ont-elles changé avec la crise ?
Nous nous sommes montrés très pragmatiques. Nous avons accéléré nos investissements en retail media, en retargeting et en search directement avec nos partenaires commerciaux comme Fnac Darty, Boulanger ou Cdiscount ou en s’appuyant sur les offres de Criteo. Nous avons aussi amplifié nos prises de parole en RP sur des thématiques liées aux attentes des consommateurs et consommatrices confiné.es. Avec notre chef cuisinier Rosières, Philippe Rogé, nous avons donné des conseils culinaires et des astuces comme la recette toute simple du pain ménager, qui a beaucoup plu. Nous avons aussi parlé d’hygiène et d’entretien de la maison, de préservation des aliments et d’anti gaspi , et avons obtenu de belles retombées dans de grands médias. A côté de cela, on ne s’est pas empêchés d’essayer des choses. Nous avons décidé d’investir LinkedIn avec un vrai programme de contenus de marque employeur, une ligne éditoriale et des prises de parole pour recruter, évangéliser et être plus visible. Et puis nous planchons sur l’amplification de notre part de voix digitale sur de nouveaux médias sociaux.
Les publicitaires qui regrettent la frilosité des marques et remercient les annonceurs qui conservent leurs investissements par voie de spot TV, ça vous inspire quoi ?
Il ne faut pas se tromper de débat. Ce n’est pas l’envie d’investir qui nous a manqué, mais la réalité économique qui impose des choix. Quand les investissements sont liés aux performances commerciales, comment continuer à faire vivre nos marques et rester proches des consommateur.rices ? Comment assurer la pérennité de l’entreprise ? Ce sont les vraies questions. Pourquoi une campagne TV quand les distributeurs sont fermés et les produits indisponibles ? Nous avons dû réfléchir différemment et nous montrer intelligents. Notre rôle est d’aider les consommateurs à trouver le bon produit au bon prix, même si la crise nous a obligés à faire un pas de côté pendant quelques semaines…
Les consommateur.rices sont tiraillé.es entre le maintien de leur mode de consommation et la nécessité de protéger la planète. Comment le groupe Haier résout-il l’équation ?
Chez Haier, la protection de l’environnement est une question importante. Notre stratégie est basée sur le zéro distance entre la marque et le.la consommateur.rice. Nous voulons être proches des attentes, des besoins de nos client.es et c’est ce qui nous guide dans nos choix d’implantation industrielle jusqu’à notre stratégie de service. Nous avons également allongé à 10 ans la disponibilité de nos pièces détachées de tous nos produits en gros électroménager. Et puis nous sommes persuadés que l’IoT (Internet of Things, ndlr) et la connectivité, qui permettent une meilleure utilisation de nos produits, œuvre à leur durabilité. Maintenant d’un point de vue personnel, la réparabilité et la durabilité c’est bien, j’y adhère totalement, mais ça ne doit pas se faire au détriment des avancées technologiques. Si ça empêche les industriel.les de faire des innovations qui transforment positivement nos vies, comme chercher des batteries plus économes et moins polluantes, ça pose problème. Comme pour tout, il faut trouver le juste équilibre. L’innovation peut apporter de bonnes choses… regardez les imprimantes 3D, elles sauvent des vies en fabriquant des masques !
Les relations entre la Chine et le reste du monde sont très tendues et partout, on voit poindre des aspirations au protectionnisme économique. Comment envisagez-vous cette nouvelle donne ? Être un groupe chinois, ça impacte les ventes ?
L’Europe a toujours regardé les entreprises asiatiques d’un œil mitigé et pas toujours bienveillant, un peu comme envers les GAFA aujourd’hui. Mais qu’est-ce que ça veut dire en 2020 ? Les entreprises comme Haier sont globales et internationales et pour être plus proches des consommateur.rices, elles ont souvent racheté des entreprises nationales et patrimoniales en conservant le savoir-faire et les équipes. Maintenant le “made in France” n’est valable que pour certaines industries. Dans la nôtre, c’est plus compliqué, les pièces détachées sont produites ailleurs et les savoir-faire sont dispersés, d’où la notion d’entreprise globale. Maintenant je suis d’accord, il y a des circuits courts à rétablir, c’est une bonne chose, même si la réalité du pouvoir d’achat et de l’accès aux produits restent des contraintes.
Comment vivez-vous ce moment particulier ?
Sans faire de démagogie, on est rien sans son équipe. Je me lève le matin et ma première motivation, c’est de faire en sorte que mon équipe se sente bien. C’est mon rôle de manager que de les soutenir pour pouvoir avec elle écrire la suite. Et puis ce qui me fait énormément de bien, c’est de voir que mon métier, et le digital en particulier, est devenu plus important dans l’entreprise. Il apporte des solutions, dynamise les process et ça se voit encore plus aujourd’hui. J’ai adoré vivre cette effervescence, c’était et c’est encore très excitant de sortir de sa zone de confort. Tout le monde est à la même enseigne et les un.es et des autres se révèlent.
Un souhait pour le monde d’après ?
J’ai hâte de voir comment la distribution va rebondir. Le consommateur.rice a changé, il a goûté à plus de digital et elle va devoir se réinventer. A quoi ressemblera l’expérience en magasin ? Va-t-elle réduire les surfaces, les transformer en showroom ? Comment va-t-elle gérer l’omnicanalité ? Mon vœu, c’est qu’il se passe vraiment quelque chose, car il ne s’agit plus de théoriser mais d’agir, et ce sera passionnant.
Et si vous aviez à jouer au loto, vous diriez : revenge consumption, accentuation du repli ou juste une parenthèse ?
Je dirais une crise et donc une nouvelle ère.
Propos recueillis par Yaël Dorfner
A propos du Groupe Haier
Fondé en 1984 par Zhang Ruimin, entrepreneur de renommée mondiale, à partir d’une petite entreprise collective de fabrication de réfrigérateurs au nord-est de la Chine, Haier est, depuis plus d’une décennie, le numéro 1 mondial de l’électroménager et dans le top 100 des marques mondiales les plus connues (source : BrandZ 2019). Conglomérat chinois, dont le siège se situe à Qingdao, Haier produit et commercialise toute la gamme des équipements ménagers mais sa spécialité, c’est l’électroménager et notamment le froid. Ses marques phares sont Candy, Hoover, Haier, GE aux EU ou Aqua au Japon. Présent dans 160 pays, le groupe emploie 78 000 employé.es et pilote 122 usines, 11 centres de R&D et 106 centres marketing. Alors que sa part de marché mondial s’élève à 15,7 %, le groupe a pour ambition d’intégrer le top 3 en Europe (vs. le top 5). Coté à la bourse de Shanghai (indice Dow Jones China 88), le groupe génère un chiffre d’affaires mondial de 39 milliards de dollars.
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A propos d'Epresspack
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