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Réseaux sociaux : être ou ne pas être...

TRIBUNES

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24/10/2019

Les réseaux sociaux c est un problème de plomberie : on veut du débit et, si possible, pas d eau tiède. Mais on ne veut pas trop se mouiller non plus ! C est ainsi que nombre d entreprises ou de personnalités évoluent dans le « mainstream » : ni trop ni trop peu. Autant dire que ce n est pas ainsi que l entreprise va se différencier, et donc exister. Et s il s agit d une personne, « moyenner » ne permet pas d envisager que les réseaux sociaux deviennent des leviers de son leadership. Alors « que faire ? », comme disait Lénine, un siècle avant Twitter.

Le premier chantier consiste à travailler sur l identification (on pourrait dire « l attribution »). Il faut que nos tweets soient reconnus sans même être lus. Tout le monde sait qu un tweet sans visuel n existe pas. Du coup, nous publions tous une photo avec une petite légende de 280 signes maximum. Mais, puisque tout le monde en est là, il faut être ailleurs. Il faut aller plus loin et « encapsuler » le visuel dans une mise en forme (une « mise en beauté » pourrait-on dire) qui n appartient qu à l entreprise. C est ainsi que de plus en plus d entre elles se sont dotées d une charte graphique digitale. 

La second chantier est celui de la différenciation. Être ou le néant, en quelque sorte ! Sortir du « mainstream corporate », c est sortir de sa zone de confort. On ne sort pas de la tranchée impunément ! Mais si on reste dans la tranchée, il y a peu de chance de connaître des lendemains qui chantent. La zone de confort sur Twitter (voire sur LinkedIn) pour les entreprises comme pour les personnalités, consiste à « poster des cartes postales ». Ce syndrome bien connu en communication politique est aussi appelé l effet « Martine à la plage », du nom de cette vieille et mémorable série illustrée qui mettait en scène dans des situations différentes (à la montagne, à la campagne, etc.) une jeune héroïne appelée Martine. Pour le dire autrement, en terme de communication (qu il s agisse d une entreprise ou d une personnalité publique), cela consiste à diffuser surtout des images légendées. Ainsi que l affirment les experts de la communication politique, l envoi massif de cartes postales (ou de posts) est davantage un témoignage de présence (j y étais) et d affection (je pense à vous) que l émission d un message. En gros, c est le cinéma muet. 

A cela s ajoute la fréquence. La communication, c est comme les impôts : trop de communication tue la communication. On pourrait évoquer ici les « leçons » de Jacques Pilhan, conseiller de François Mitterrand puis de Jacques Chirac, plus que jamais d actualité : comment exister dans le bruit médiatique, et le flot discontinu d info, d infox, de fake, de marketing, de communication, de publicité... sur les réseaux sociaux ? Rappelons qu il y a en moyenne 600 millions de tweets par jour. « Prenons un autre cadre de référence : le rapport entre signal et bruit, disait-il dans une interview dans la revue Débat en 1995. Ce que vous percevez d'un signal, c'est la différence de son intensité avec l intensité du bruit ambiant. Le citoyen, bombardé de messages, vit dans le bruit permanent des médias. En tant qu homme public, si je parle souvent, je me confonds avec le bruit médiatique. La fréquence rapide de mes interventions diminue considérablement l intensité du désir de m entendre et l attention avec laquelle je suis écouté. Si, en revanche, je me tais pendant un moment, le désir de m entendre, compte tenu du fait que je suis, par exemple, président de la République, va s aiguiser. L attention qu'on va prêter à mes paroles va être considérable. La différence entre le signal que j émets et le bruit ambiant sera très importante. Il y aura beaucoup de reprises dans les médias, beaucoup d'impact dans l'opinion. C'est ce qui va me donner le statut de leader par rapport aux acteurs trop présents dont le message fait partie du bruit public. Si, après avoir tendu le désir qu a l'opinion de m entendre par un silence relatif, je concentre plusieurs interventions sur une période courte, l'impact sera encore renforcé et mon statut de leader accru ». Vous pardonnerez j espère la longueur de la citation : qui a dit mieux depuis ? Une légende tenace affirme que Jacques Pilhan était un « théoricien du silence ». Ce qui est faux. C était un théoricien des ruptures de rythmes. Seul le silence permet l intensité, comme l ombre fait ressortir la lumière. La puissance d un message dépend (notamment) du rapport entre présence et absence. La seule personne au monde peut-être pour laquelle cela ne fonctionne pas est le président actuel des Etats-Unis.

Un exemple pour finir. Sans aller jusqu à considérer que le compte de la Gendarmerie nationale est un horizon insurpassable, quelle leçon tout de même cette « institution » nous donne-t-elle au quotidien ! Supposée être l une des plus conservatrices de la République, elle fait preuve d une audace inouïe dans sa ligne éditoriale (le style et le contenu de ses tweets, pour faire simple) sur Twitter. Comment ? En multipliant les tweets décalés, pleins d humour, prenant chaque jour le contre-pied de ce que l on aurait pu attendre. Bravo !

Peut-être la Gendarmerie Nationale est-elle au sommet et nous seulement encore au camp de base. Peu importe, il faut trouver sa voie. Et cela commence par ne pas « réinventer l eau tiède » donc... Il nous reste de la marge pour atteindre le niveau de la Gendarmerie Nationale qui a compris bien avant d autres que seule la différenciation renforce l attractivité de la « marque employeur ». Nos gendarmes ont compris bien avant d autres que, comme le dit le proverbe africain, « seuls les poissons morts vont dans le sens du courant ».

Renaud Czarnes, membre du Réseau des Dircoms, Directeur de la communication, Dalkia

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