Brigitte Grésy : “Le mouvement initié par #StOpE est très prometteur”
Le 4 décembre dernier, 30 organisations et entreprises signaient l'engagement #StOpE, ayant pour vocation de lutter contre le sexisme dit ordinaire au travail. Brigitte Grésy, Secrétaire Générale du Conseil Supérieur de l Egalité Professionnelle (CSEP), experte en matière d égalité entre les femmes et les hommes, a accompagné le projet dès sa genèse. Pour COM-ENT, elle en détaille les tenants et aboutissants.
Qu est-ce que l initiative #StOpE ?
Brigitte Grésy : L initiative #StOpE est une prise à bras le corps de la question du sexisme au travail par les entreprises elles-mêmes qui se sont, pour ce faire, constituées en réseau. Impulsée par AccorHotels, Ernst & Young et L Oréal France, elle se fonde sur le partage d expériences et la force donnée par le collectif et le partenariat pour rendre ces sujets visibles.
Comment a-t-elle vu le jour ?
Brigitte Grésy : Tout est parti d une rencontre entre trois femmes, Anne-Laure Thomas (Directrice Diversités et Inclusion, L Oréal France), Morgane Reckel (Directrice Associée Diversité et Inclusion, EY), Anne-Sophie Béraud, (Vice-Présidente Groupe Diversité & Inclusion, AccorHotels) et moi-même. Que peut-on faire pour que la problématique de la lutte contre le sexisme intègre plus fortement le monde des entreprises ? : telle était notre réflexion de départ.
Cette volonté en tête, elles sont allées à la rencontre d entreprises et d organisations et ont constitué des groupes de travail permettant d évoquer les dispositifs déjà mis en place ou à adopter pour lutter contre le sexisme. En partenariat avec ces différentes structures, elles ont rédigé une charte, au départ inspirée du kit Agir contre le sexisme du CSEP puis remaniée pour correspondre au produit de leur réflexion commune avec l ensemble des parties prenantes, comprenant toute une série d actions concrètes.
Pourquoi cette initiative ?
Brigitte Grésy : Le CSEP travaille depuis 2013 sur la question du sexisme au travail. En 2015, nous avons réussi à introduire, dans la loi Rebsamen, la notion d une disposition législative nouvelle sur l agissement sexiste, c est-à-dire le sexisme ordinaire : des faits, des gestes ou des comportements qui, anodins en apparence, infériorisent, excluent ou déstabilisent les femmes et créent de la souffrance au travail. La rédaction d un rapport puis la mise au point du kit ont suivi.
Les entreprises, concernées par le sujet des stéréotypes de sexe depuis plusieurs années, ont très vite compris que le principal obstacle à la matérialisation des lois sur l égalité dans les organisations était précisément ce sexisme, à l origine de fortes résistances mentales. Et donc de la nécessité de s emparer du sujet.
Quelles sont les solutions proposées par cette initiative ?
Brigitte Grésy : En signant la charte, les entreprises et organisations s engagent à faire reculer le sexisme ordinaire en déployant en interne au moins une des huit actions prioritaires* recensées par le document au cours de l année.
Très orientée pro-activité, elle invite notamment au développement d outils pédagogiques. A cet égard, les groupes de travail se sont montrés prolifiques : jeux de cartes, pièces de théâtre, formation de sensibilisation, vidéos pour l ensemble des salarié.e.s, cellules d écoute ou encore modules de e-learning sur le sexisme. Cette mutualisation des ressources et ce partage d expériences offrent aux organisations l opportunité de s approprier les différents instruments en y apposant leur culture d entreprise.
Quels sont les résultats obtenus et souhaités ?
Brigitte Grésy : Le mouvement a été initié en septembre dernier, nous étions quatre autour de la table. Six mois plus tard, 30 entreprises et organisations ont signé la charte et, par un effet de contagion et d implication extraordinaires, de nombreuses autres, tous secteurs confondus, se mobilisent et souhaitent rejoindre l initiative.
Les structures, et principalement les grandes entreprises, mènent désormais de front une politique structurelle pour lutter contre les inégalités mais aussi une politique culturelle de lutte contre le sexisme, car ces deux politiques sont complémentaires.
Outre le développement d outils didactiques, nous souhaiterions mettre au point un baromètre d évaluation, réalisé tous les deux ans sur la base d un questionnaire soumis aux entreprises et permettant de mesurer les progrès accomplis. Et ainsi, de mettre la question du sexisme à l agenda des dirigeant.e.s, et favoriser l amélioration des relations interpersonnelles au travail, l évacuation de la souffrance liée à ces sujets et, in fine, prétendre à un mieux-vivre et un mieux-être au sein des organisations.
*Les 8 actions prioritaires de la charte #StOpE :
1. Afficher et appliquer le principe de tolérance 0
2. Informer pour faire prendre conscience des comportements sexistes (actes, propos, attitudes) et de leurs impacts
3. Former de façon ciblée sur les obligations et les bonnes pratiques de lutte contre le sexisme ordinaire
4. Diffuser des outils pédagogiques aux salariés pour faire face aux agissements sexistes en entreprise
5. Inciter l ensemble des salariés à contribuer à prévenir, à identifier les comportements sexistes et à réagir face au sexisme ordinaire
6. Prévenir les situations de sexisme et accompagner de manière personnalisée les victimes, témoins et décideurs dans la remontée et la prise en charge des agissements sexistes
7. Sanctionner les comportements répréhensibles et communiquer sur les sanctions associées
8. Mesurer et mettre en place des indicateurs de suivi pour adapter la politique de lutte contre le sexisme ordinaire
Propos recueillis par Géraldine Piriou, cheffe de projets contenus, COM-ENT
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